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Chartres : Grand-Beaulieu (le) (maladrerie / léproserie)

Voir aussi :
Construction 1054
 

la Maladrerie du Grand Beaulieu

XIeme- XIIeme siècle : la fondation de l'établissement

Selon l'ensemble des historiens et érudits locaux, la maladrerie du Grand-Beaulieu fut fondée vers 1054 par le Comte de Chartres, Thibaud III, à quelques kilomètres du bourg, sur la rive droite de l'Eure, en sortant de la ville en direction du sud-est, par la porte Morard et la rue du faubourg Lagrappe.
Il semble cependant que la paternité de cette fondation ne repose sur aucun fondement, aucun acte ne l'attestant.

Néanmoins, au tout début du XIIeme, l'existence de la maladrerie du Grand-Beaulieu est cette fois attestée dans des actes de donations la concernant.
Le Grand-Beaulieu est, dès ce début du XIIeme siècle, une léproserie : la lèpre avait en effet fait son apparition en France, avec le retour d'Orient des Croisés survivants.

La consécration de l'église fut faite en 1134 par l'Evêque de Chartres, Geoffroy.
La maladrerie était, de loin, l'établissement de soins aux lépreux le plus important de tout le diocèse : on y recevait des malades venant de villes ou villages assez éloignés de Chartres.

Une léproserie riche

Grâce à de multiples donations, tant des Comtes de Chartres et de la noblesse locale et nationale, que du Chapitre ou d'autres religieux et même, de simples bourgeois chartrains, ainsi que par la perception de multiples droits et redevances, et la possession de nombreuses maisons et terrains à Chartres et alentours, la maladrerie du Grand-Beaulieu était devenue, dès le XIIeme siècle, un établissement très riche.
Cette richesse donna lieu, ultérieurement à d'incessantes querelles pour le pouvoir au sein de l'établissement.

Parmi les donateurs les plus prestigieux, on peut citer les Comtes de Chartres Thibaud III, IV, V et leur famille, mais aussi les rois Henri Ier d'Angleterre et Philippe-Auguste.
On peut également mentionner, parmi toutes ses possessions, une maison à l'intérieur de l'enceinte de la ville, située en haut de l'actuelle rue des Ecuyers.

Parmi les multiples redevances que l'établissement percevait, on peut citer les droits perçus sur la foire de St Simon et St Jude, qui se tenait à Chartres pendant la semaine précédant la Toussaint. Ainsi, pendant les 8 jours que durait la foire, les lépreux du Grand-Beaulieu plaçaient aux portes de la ville des gardiens qui percevaient les droits et redevances de toutes natures que les marchands payaient habituellement au Comte. Ils recevaient aussi toutes les petites taxes payées par les vendeurs et les acheteurs, recette importante grâce à la fréquentation de cette foire.

Administration de l'établissement

L'administration de l'établissement était confiée à une confrérie composée de prêtres et de laïcs des deux sexes, dont les malades eux-mêmes faisaient partie.
Si l'administration de tout ce qui ressortait du domaine spirituel était sous la responsabilité exclusive du Prieur, qui était également le curé de l'établissement, concernant le domaine temporel, l'établissement restait sous la surveillance du Comte de Chartres.
En effet, les Comtes de Chartres avaient affecté, à perpétuité, au service exclusif de la Léproserie, 4 bourgeois de la ville de Chartres, en contrepartie d'une exonération totale de tout impôt et affranchissait de l'autorité judiciaire civile.
La confrontation de ces deux autorités rivales, écclésiastique et civile, aux intérêts souvent divergents, donnèrent lieu à plusieurs démêlés judiciaires. Il en résulta qu'au XIVeme siècle, le roi de France lui-même plaça la léproserie du Grand-Beaulieu sous sa protection, et donna l'autorité à la confrérie et à l'Evêque.

Le prieur était nommé, jusqu'en 1515, par l'assemblée générale des confrères et confirmé par l'Evêque. Il est probable que les femmes aient eu, elles aussi, des prieures.

Après une réforme engagée par François 1er en 1515, les règles de nomination du Prieur changèrent, au détriment de la bonne gestion de l'établissement : le plus souvent, les Prieurs ne résidaient plus dans les lieux, et confiaient la gestion de la Léproserie à des procureurs sans scrupules.
Les malades étaient ainsi mal traités : peu et mal nourris, peu ou pas soignés.
En effet, outre l'absence d'un Prieur et d'une Prieure résidants, une enquête des échevins de Chartres, menée en 1524, indique que le nombre de prêtres au service des malades est tombé de 20 ou 30 religieux et 20 à 30 religieuses à 2 ou 3 frères, nombre évidemment très insuffisant à la gestion de l'établissement et au soin des malades.
Après une bataille judiciaire, l'Evêque du moment, Louis Guillard, réforma radicalement le Grand-Beaulieu.
Cependant, il semble que les résultats de cette réforme n'aient pas duré bien longtemps : les malades paraissent avoir été abandonnés , alors que les prieurs multipliaient les malversations.

Cependant, depuis le XIVeme, le nombre de malades de la lèpre diminuait progressivement, et il semblerait qu'au XVIeme siècle, période de ces querelles autour du pouvoir et des revenus de la maladrerie, il n'y ait plus eu beaucoup de malades à soigner.
A partir de 1561, le revenu du Grand-Beaulieu fut donc saisi et dut être versé au Bureau des Pauvres, nouvellement créé, hormis l'argent nécessaire à l'entretien et au soin des malades. Le Grand-Beaulieu ne put de nouveau recevoir son revenu qu'en 1570, le Prieur ayant fait une transaction, instituant le versement d'une somme assez considérable au Bureau des Pauvres et de meilleures conditions d'entretien des malades.

destruction de la Léproserie et édification du Grand Séminaire

Le 15 mars 1568, après deux semaines de siège et d'assauts repoussés par la défense chartraine, l'armée du Prince de Condé leva le siège de Chartres, ayant reçu la nouvelle d'un cessez-le-feu immédiat, et se dirigea, pour partie vers Bonneval, pour partie vers Illiers. Ils incendièrent sur leur passage les faubourgs, et ce qui restait des villages de Luisant et Mainvilliers.
Comme beaucoup d'autres bâtiments, le Grand Beaulieu fut détruit par cet incendie.
En 1569, il fallu reconstruire la maladrerie qui était ruinée : une partie de ses revenus fut affecté à cette tâche.
Il semble cependant qu'à la fin du XVIeme et au début du siècle suivant, la lèpre ait été quasiment éradiquée, ce qui rendait la vocation première du Grand Beaulieu inadéquate.

Le statut de l'établissement en cours de reconstruction en cette fin de XVIeme et au début du XVIIeme est assez flou : il semble qu'il soit devenu un simple prieuré (c'est sous cette dénomination qu'il apparaît en tous cas en 1659).

En 1659, l'évêque de Chartres, de Neufville de Villeroy, décida, avec l'agrément du Roi, de la création d'un Grand Séminaire dans les locaux de l'ancienne maladrerie : le titre de Prieur fut supprimé en novembre 1659 et tous les immeubles et biens du Grand-Beaulieu furent transférés au Grand-Séminaire à venir : la léproserie avait vécu.
(pour l'histoire du Grand Séminaire, voir le commentaire sur le "Grand Séminaire des XVIIeme et XVIIIeme siècles)

A l'époque moderne

Un des propriétaires du terrain, au XIXeme siècle, fit quelques fouilles dans les fondations des bâtiments détruits à la Révolution. Il trouva, d'une part, la pierre de fondation du Grand Séminaire (cf commentaire sur cet établissement), mais également, en ouvrant une carrière de sable au sud de sa propriété, ce qui était vraisemblablement le cimetière des lépreux. On peut lire dans le procès-verbal de la SAEL (Société Archéologique d'Eure-et-Loir) "Les corps y avaient été placés en tous sens, souvent superposés les uns aux autres. Aucun objet intéressant d'archéologie n'y avait été trouvé jusqu'à ces derniers jours où, en poursuivant les fouilles, les travailleurs découvrirent un grand nombre de petits vases de terre cuite, cinquante environ, uniformément placés aux pieds des corps inhumés, et contenant des fragments de charbon de bois."

Aujourd'hui, il ne reste rien de cet édifice, qui se trouve sur la commune du Coudray, à l'emplacement de la zone artisanale du Coudray, dont une rue se nomme, fort à propos, rue de la Maladrerie, et une autre, rue du Grand-Séminaire.

sources :

- Histoire de Chartres, Eugène de Buchère de Lépinois, éd. Garnier 1854,
- Maladie et Société au Moyen Age - La lèpre, les lépreux et les léproseries dans la province ecclésiastique de Sens jusqu'au milieu du XIVeme siècle, François-Olivier Touati, éd. de Booeck Université,
- site officiel de la ville du Coudray.


Saisie : Carole & Eric CANTIN

Dernière modification : 31 Janvier 2008