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Gréez-sur-Roc : Eglise Saint-Almire

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L’oratoire Saint-Pierre : sa transformation en église paroissiale.

L’église de Monsieur Saint-Almer de Gréez : la nef, la tour, le chœur de 1527. Agrandissements successifs.

L’un des premiers soins de saint-Almire, lorsqu’il eut pris possession du territoire de Gréez, avait été, comme nous l’avons vu, de bâtir à quelques distances de son monastère, au sommet de la colline, un oratoire dédié à saint-Pierre, pour servir d’église aux populations environnantes. Après la mort de l’abbé de Gréez, son corps avait été transporté dans cet oratoire, et pendant des siècles le tombeau du saint devait s’y abriter.

C’est là que, dès les premiers temps, vinrent s’agenouiller les foules ; là que se révéla toute la puissance du serviteur de Dieu, et qu’éclatèrent mille fois les hymnes de reconnaissance pour les grâces obtenues par son intercession.

De bonne heure, l’édifice primitif ne tarda pas à devenir insuffisant. Aux pèlerins qui venaient implorer le secours du saint se joignirent d’ailleurs, de plus en plus nombreux, les habitants de l’agglomération dont le voisinage du monastère favorisait le développement.

Autour des monastères, serfs et colons avaient moins à redouter les spoliations et les injustices. Ils y rencontraient, avec des germes de civilisation, un régime de liberté relative et les moyens de parvenir à une condition sociale supérieure. En conservant dans son sein le principe de l’élection populaire, et en appelant des hommes de toutes les classes aux dignités ecclésiastiques, l’Eglise ouvrait à tous des horizons nouveaux ; elle procurait à beaucoup un affranchissement prématuré et accomplissait ainsi, peu à peu ce qu’aucun législateur ni aucun philosophe n’avait encore oser entreprendre. Bien plus, il n’était pas rare alors, de voir des hommes libres envier le sort des serfs ou des colons des monastères et supplier les moines de leur accorder le même régime et la même protection.

Le monastère de Saint-Almire, la Chapelle Notre-Dame.

Il fallut donc, pour répondre aux besoins des populations, reconstruire le modeste oratoire Saint-Pierre, devenu l’église paroissiale de Monsieur saint-Almer de Gréez, et le remplacer, au XI ou XIIème siècle, par un édifice plus considérable qui n’est autre que la nef de l’église actuelle.

Très nettement caractérisée autrefois par sa porte occidentale et ses fenêtres romanes, cette nef a subi, dans le cours des temps, des modifications profondes qui lui ont fait perdre son ancien cachet. Seule, la porte principale, après avoir été déposée lors des restaurations effectuées en 1858, a été assez fidèlement reproduite, mais, dans son ensemble, elle ne s’harmonise plus avec les autres parties de l’édifice. La baie, encadrée de colonnes qui supportent deux archivoltes ornées de moulures et de dents de scie, et surmontée d’un rang d’arcatures avec modillons et d’une corniche en saillie sur le plan de la façade. Au-dessus de la corniche et au milieu du pignon, s’ouvre une fenêtre en plein cintre, à colonnettes, flanquée de deux arcatures de même hauteur, dont le mauvais style rappelle trop évidemment les remaniements de 1858. A l’intérieur, le vaisseau était primitivement éclairé par six étroites fenêtres qui ne laissaient pénétrer sous le vieux lambris de chêne qu’une lumière assez confuse. Dans le mur septentrional se voit le cintre d’une ancienne porte latérale.

Plus tard, vint s’ajouter à cette nef une tour carrée, couronnée d’une pyramide à quatre pans, d’un effet peu gracieux : la position de cette tour, assez énigmatique, semble un regrettable défi aux principes les plus élémentaires de l’harmonie et de l’unité architecturale.

Au XVIème siècle enfin, s’éleva le chœur, tel qu’il subsiste de nos jours. Bâti en 1527, comme l’indique une date inscrite sur l’un des culs-de-lampe, il contraste absolument avec la nef par son style, son élévation et l’élégance de ses proportions. Son plan comporte deux larges travées voûtées qu’éclairent trois superbes fenêtres d’une exécution très soignée et vraiment remarquable. Le chevet carré est percé d’une grande fenêtre à deux baies, non moins belles. Les encadrements de ces fenêtres, de même que les nervures et certains détails d’ornementations, méritent une attention toute particulière : on y rencontre plusieurs des savantes dispositions qui distinguent les églises voisines de Courgenard et de la Ferté-Bernard. A l’extérieur, des rampants décorés de crochets et de grotesques, des contreforts élancés, que relie un double cordon d’un profil très pur qui dessine sur tout le pourtour un long ruban de pierres, et une charmante tourelle d’escalier, présentent un ensemble monumental, digne de l’époque de la Renaissance.

On trouve dans ce chœur comme l’épanouissement d’une œuvre jusque-là contenue et l’influence manifeste d’idées nouvelles. Tout monte, tout s’élève, sous une inspiration plus haute et plus large : les lignes se multiplient, les arcades se prolongent, les nervures se croisent, les voûtes retombent en gerbes de pierres.

Les maîtres maçons qui au cours du XVIème siècle donnèrent à Blois et à la Ferté-Bernard la mesure de leur talent, ont dû, sans aucun doute, mettre la main à ce chœur de l’église de Gréez. Depuis longtemps, du reste, il est reconnu qu’ils ont, si non construit, du moins profondément modifié, pendant la moitié du XVIème siècle, toutes les églises des vingt-neuf ou trente paroisses de l’ancien fertois. La paroisse Saint-Almire de Gréez faisait alors partie de l’archidiaconé de Montfort et du doyenné de la Ferté-Bernard. Elle formait de ce côté, avec Saint-Ulphace, Saint-Bomer et Théligny, la partie extrême de l’ancien Maine, Melleray, Montmirail et Champrond appartenant au Perche-Gouet et au diocèse de Chartres.

Vers la même époque, la nef, elle aussi, subissait un remaniement. Pour la mettre vraisemblablement en rapport avec le nouveau chœur et unifier les styles autant que possible, on ouvrait dans le mur méridional la porte qu’on y voit aujourd’hui et deux grandes fenêtres de style gothique flamboyant.

Ces divers travaux s’expliquent sans peine par l’accroissement des ressources de la fabrique et de la cure depuis les guerres du Moyen Age. Au XVIème siècle, elles possédaient déjà, entre autres biens, les bordages de la Normanderie, de la Poupardière (1411 ) et de la Trinquetière ou Chiquetière (1445 ). Au XVIème et XVIIème siècle, les dons et les legs à l’église de Monsieur saint-Almer se multiplient peu à peu, en même temps que l’importance de la paroisse s’affirme de plus en plus par la personnalité de certains curés. Grâce à l’initiative généreuse de plusieurs de ces prêtres, de nouvelles améliorations furent apportées à l’église de Gréez.

En 1624, par exemple, « on construisit en haut de l’église, derrière le pignon du sanctuaire, une nouvelle sacristie, l’ancienne se trouvant trop étroite ». L’inscription suivante, gravée sur une pierre de l’entablement, attribue ce travail au zèle de M. Jacques Jodon, à qui l’on devra bientôt aussi la reconstruction de la maison du vicariat, au Bas-Bourg.

En 1647, on bâtit contre la grande porte de la nef un vestibule ou parvis, en forme de chapelle, soit pour contenir ceux des habitants qui ne pouvaient trouver place aux festes solennelles, soit pour tenir les assemblées de paroisses ( Archives de la Sarthe ). Cet auvent, qu’on retrouve dans beaucoup d’anciennes églises, est aujourd’hui détruit.

En 1664, Me Pierre Aubert de Cléronne consolida la tour, au midi, par un énorme contrefort qui portait à son sommet : Ce pilier a esté faist par M..P Avbert de Cléronne cvré de céans 1664.

Me Pierre Aubert de Cléronne assume en outre, à cette époque, la charge de la paroisse de Gémasse dont le titulaire, Me Pierre Gaudin, n’observe pas la résidence. Située à quinze cent mètres environ du bourg de Gréez, la cure de Gémasse, fort peu importante d’ailleurs, n’a été érigée qu’en 1625, à la sollicitation et au dépend de Me Lancelot de Kaerbout, seigneur de Gémasse, qui possédait une chapelle près de son château. Après moins de soixante années d’une existence assez précaire, elle sera supprimée et réunie à la cure de Gréez par décret du 31 décembre 1681, pour devenir un simple bénéfice à la présentation des propriétaires de Gémasse.

Après la mort de Me Pierre Aubert, janvier 1720, la cure de Gréez est revendiquée par deux titulaires qui délaissent la paroisse qui souffre de ces regrettables compétitions, trop fréquentes alors, et de ces changements successifs : l’entretien de l’église est peu à peu négligé.

Léguée le 6 juin 1723 à Me Julien Bigot, la paroisse de Gréez ne pouvait tomber entre meilleures mains. Durant huit années, elle allait posséder dans son nouveau curé l’un des prêtres les plus pieux et les plus dévoués du diocèse. Me Julien Bigot se mit aussitôt à l’œuvre et eut la très heureuse pensée de consigner toutes ses améliorations dans un registre spécial, ouvert en exécution d’une délibération de l’assemblée générale des habitants, du premier janvier 1725. Ce registre, après nous avoir donné d’intéressants détails sur la chapelle Notre-Dame du Bas-Bourg, nous fournit des renseignements non moins abondants sur l’église paroissiale.

Tout d’abord, dans les premières pages, Me Julien Bigot nous l’a décrit avec un soin minutieux, telle qu’elle était au moment de son arrivée :
« Il est visible, écrit-il, que l’église de Saint-Almer de Grées a été construite à différentes reprises, à mesure que les habitants de la paroisse sont devenus plus nombreux, depuis qu’on a défrisché peu à peu les bois dont le terrain de ce canton était remply autrefois, comme il résulte du manuscrit de la vie de Saint-Almir qui vint s’y establir au VIème siècle ».

Après avoir examiné ce bâtiment de plus près et avec plus d’attention, il a été reconnu que probablement la nef est le plus ancien bâtiment, et l’ancienne église que la tour ne fut bâtie que quelques siècles après, encore ne fut-elle pas d’abord si élevée ; et que le cœur voûté et bâti de l’autre côté de cette tour est plus récent de quelques siècles que la tour : on voit même par une inscription que les voûtes n’ont que deux cents ans ( soit trois siècles maintenant ) et qu’une fenêtre de l’ancienne tour se trouve noyée dans ces voûtes.

Les dépenses engagées par Me Julien Bigot, si considérables qu’elles fussent pour l’époque, ne suffirent pas à remédier à tous les besoins, et de fréquentes contestations s’élevèrent avec M. Lefèvre d’Ivry, sieur de la Pinellière, qui prétendait « que c’était aux décimateurs et non à la fabrique de fournir l’argent. » Il fallut, au mois de juillet 1728, qu’une ordonnance épiscopale trancha la question, en autorisant le curé à engager de nouvelles dépenses ; d’où, en 1733 un second mémoire d’environ cent écus. Me Julien Bigot, grâce à sa ténacité, « en vint à bout peu à peu, les années suivantes ».

Les fonts baptismaux

Les fonts baptismaux sont situés à l’entrée de la nef, à votre gauche, ils datent de la fin du XVIème siècle.. De forme octogonale ils sont placés sur un socle en pierre. La partie supérieure, en bois, contient la cuve. Elle est réalisée en panneaux finement moulurés et sculptés.

Le couvercle en forme de dôme est sculpté en imitant des écailles délicatement travaillées, il est regrettable qu’elles soient recouvertes de peinture marron, de facture discutable. Ce couvercle est surmonté d’une croix qui est rendu amovible par des charnières intérieures.

Le cérémonial du baptême par immersion dans une piscine fut remplacé par le baptême par aspersion. Ces fonts baptismaux furent utilisés jusqu’à la moitié du XXème siècle

Source : http://greez.monographie.free.fr/patrimoine2.html d'après les documents et travaux de Jean Jousse et René Pigeard adhérents du CRGPG.

La fabrique

La fabrique, cette administration, comme partout alors, fonctionne régulièrement et a pour principal rouage « l’assemblée du général des habitants » convoquée le dimanche, au son de la cloche à la grande porte de l’église, à l’issue de la messe paroissiale, et dans laquelle se manifeste, par la libre intervention de tous les paroissiens, cette égalité absolue que l’administration civile, moins libérale, n’admettait pas encore. Sous la direction de deux procureurs fabriciers élus par elle et sous l’influence prépondérante du curé, l’assemblée de fabrique procède à tous les actes d’administration relatifs aux biens de la fabrique, vente aux enchères d’arbres à abattre , concession de bancs dans l’église, mise en adjudication chaque année d’un septier de seigle dû par le curé sur le lieu de la Normanderie, des herbes et du regain des prés de la fabrique, réparations aux bâtiments, etc.

Au nombre de ces procureurs de fabrique, nous relevons les noms de MM. François Reimbourg, 1725, Franchet et Jean Hoyau, 1737 : Fontaine de Préelle, 1738 ; Jacques Piot, 1740 ; Jacques Roucheray, 1760 ; Louis Beauchamp ; 1761 ; Julien Guerrier, 1762 ; Louis Pineau, 1763 ; Pierre Mercier, notaire, 1779 ; René Laborde ; Denis Girondeau et François Collet, 1781 ; François Lefèvre d’Yvry et Jacques Piot, 1785 ; Joseph Poirier et Louis Laverton 1786. (A remarquer que presque tous ces patronymes sont disparus de la commune )

Les biens de la fabrique

(1) des terres ( Tronchet- Mazure, le pré de la Boëte, le Closos de la Vallée du Perrin, la Noue de l’Eglise, les Villées et Roqueteaux, les Planches de Vaufargis, le Champ de la Croix et le Champ Maréchal, les Planches de la Coulvretière, produisant ensemble 214 livres, 35 sols, de rentes annuelles).

(2) Des rentes foncières sur la Carrelière, la Normanderie, le Champ Bontems, la Bretonnière, les Caillardières, la Hernerie, les Marais, la Maison Neuve, une Maison au Bas-Bourg, la Charmoye en Théligny, la Maison dite du Château, les Petites Hulottières, plus deux rentes constituées, sur Monsieur Mahot de Gémasse et le Clergé de France, s’élevant à la somme totale de 88 livres, 18 sols.

(3) Les locations des bancs de l’église, aux noms de vingt deux, produisant environ 22 livres, 10 sols ---- soit en tout plus de 334 livres de rentes.

Les revenus de la Cure de Gréez, à cette même date étaient évalués 1100 livres : ces principaux biens consistaient, en outre du presbytère, de ses dépendances et de plusieurs maisons, en terres ou rentes à la Normanderie, à la Trinquetière ( ou Chiquetière ), à la Poupardière, aux Thurets, à la Rouillardière, à la Blatière, aux Bassinières, à Bois-Monfort, etc, etc

Le 22 mai 1746, par exemple , elle convient de reconstruire à neuf les deux petits autels de la nef en les tournant dans les angles, suivant les plans présentés par le sieur Jacques Ha, entrepreneur. Le 16 avril 1780, elle approuve quelques réparations à la couverture du haut de la nef, fait reblanchir l’intérieur de l’église et renouveler « le vase des fonts baptismaux » . Le 8 octobre 1786, elle fixe au printemps prochain des réparations à faire à la tour de l’église. Ces réparations, projetées dès 1784, sont même assez importantes pour entraîner le transfert provisoire du culte paroissial dans la chapelle Notre-Dame du Bas-Bourg.

D’une délibération en date du 10 février 1788 résulte qu’alors seulement les travaux sont commencés. Le 31 juillet, tout semble terminé, ces travaux sont payés par la fabrique « qui se trouve avoir des fonds suffisants. »

La révolution, qui éclate l’année suivante, n’arrête pas tout d’abord ces louables efforts. Le 3 janvier 1790, l’assemblée de fabrique approuve un nouveau marché passé par son procureur, Louis Dérouet, avec un sculpteur de la Ferté-Bernard, nommé Pottier, pour la décoration intérieure de l’église . Les habitants de Gréez, du reste, semblent au premier moment peu enthousiastes du nouvel ordre des choses. Ils accueillent très froidement l’idée de la contribution patriotique, et le 28 avril 1791, leurs principaux représentants, Alexandre Gondard, procureur de la fabrique, Louis Franchet, procureur de la commune, François Bouillon, Marin Gauthier, officiers municipaux, Jacques Debon, Gilles Brière, laboureurs « commissaires en cette affaire, » refusent de comparaître devant le District de la Ferté-Bernard, « quoiqu’ils aient été dûment appelés , préférant encourir les rigueurs de la loi plutôt que de coopérer à la vente des biens ecclésiastiques.(Les terres de la fabrique, le presbytère et ses dépendances n’en furent pas moins vendus peu de temps après, devant le District de la Ferté-Bernard )

L’église de Gréez à l’époque de la révolution.

Le 8 mai suivant, ils revendiquent énergiquement dans une pétition le maintien de leur paroisse. Bien mieux, par une exception tout à leur honneur et malgré de biens tristes exemples, ( le curé, Joseph Gervais Guimont , après avoir prêté serment, finit par oublier ses serments les plus sacrés et se sécularisa ;il fut remplacé par un autre prêtre constitutionnel , M. Fournier, d’une conduite plus régulière, mais dont une grande partie de la population refusa le ministère ), ils y conservent l’exercice du culte jusqu’à l’extrême limite. De 1791 à 1793, les assemblées de fabrique se succèdent fréquentes et régulières. La veille même du jour où la mort de Louis XVI allait susciter dans tous les cœurs tant de frémissement de pitié, de colère et de terreur ( le député Boutroüe demeurant à Gréez député conventionnel vota la mort de Louis XVI ), le 20 janvier 1793, le maire de Gréez, Alexandre Gondard, les officiers municipaux et le conseil général de la commune, « réunis au banc de l’œuvre, après la grand’-messe, » marchande au menuisier Bidet, de Montmirail, pour la somme de 172 livres, une table de communion et deux boiseries qui doivent être placées dans le sanctuaire avant Pâques.

Protégée par ce sentiment religieux si profond, la vieille église de Saint-Almer s’était en quelque sorte rajeunie, et, au milieu de la tourmente révolutionnaire, elle était restée fièrement assise sur son roc, dominant la colline et les prairies qui lui forment une ceinture verdoyante.

Malheureusement, l’heure arrivait où l’œuvre poursuivie avec tant de persévérance, allait se voiler d’un crêpe de deuil. Dans les derniers mois de 1793, les événements se précipitent avec une rapidité effrayante, la terreur étend son règne implacable jusque dans les campagnes les plus paisibles, déchirant momentanément l’antique pacte qui unissait la religion et la société, rompant l’alliance traditionnelle entre le Christianisme et la France. A peine les artisans avaient-ils rempli leur engagement, que l’église de Saint-Almer de Gréez était fermée ! Aucun des ouvriers de la paroisse ne consentit du moins à prêter la main à son dépouillement. Pour descendre les cloches et abattre la croix du clocher, il fallut recourir à un charpentier de Montmirail et à un couvreur de Vibraye.

C’est alors que commença réellement, à Gréez comme partout, cette période de deuil, d’effroi et d’isolement pendant laquelle chaque famille, chaque citoyen, tremblant pour le présent, n’osait pas même communiquer aux siens ses craintes pour le lendemain. Des châteaux, des fermes avaient été livrées aux flammes, des paysans dépouillés et arrêtés dans les marchés. L’insurrection des verriers de Montmirail et des forgerons de Vibraye, il avait fallu mitrailler, avait surexcité les esprits et provoqué de nombreux excès.

La commune de Gréez n’en fut point exempte, et si nous n’écoutions que l’impitoyable vérité, sans nous rappeler qu’au souvenir des morts doit se joindre le respect des vivants, nous pourrions citer plusieurs traits déplorables, inspirés par ces nouveaux venus, par ces septembriseurs ou ces petits terroristes que possédaient les moindres communes. En présence de ces faits, on se demande comment de laborieuses et honnêtes populations ont pu se laisser ainsi dominer par quelques démagogues de bas étage qu’il eût été si facile de mettre à la raison ? La plupart, sans doute, ne subissait qu’à regret l’atroce tyrannie dont elles étaient victimes. Elles avaient tout d’abord affiché leur mépris et leur répugnance pour les jacobins campagnards, mais depuis leur affiliation aux comités révolutionnaires, chacun dissimulait son aversion. L’effronterie même de leur scélératesse, leurs déclamations parsemées d’hyperboles et de pathos révolutionnaires, leurs antécédents surtout inspiraient l’effroi et assuraient leurs dominations.

Quoi qu’il en soit, la population de Gréez, qui continuait à recevoir clandestinement des secours religieux d’un saint prêtre réfugié au Bas-Bourg, sut généralement rester digne de son glorieux passé, ( M. Etienne Franchet, qui appartenait à une vieille et très honorable famille du pays, mourut au Bas-Bourg le 18 pluviose an V (1797 , à l’âge d’environ 81 ans ( registres de l’Etat-civil de Gréez ), il était l’oncle de M. Franchet, maire de Gréez sous le consulat , dont nous parlerons plus loin, et le grand oncle de Mme Gasselin du Verger, née Franchet ) . Bien qu’elle eût fourni un député à la Convention, elle se laissa moins entraîner que certaines communes voisines . Elle ne vit pas, comme celle de Saint-Ulphace, profaner son église et mutiler ses vieux saints.

Si elle élève toujours vers les nues sa flèche élégante et hardie, l’ancienne collégiale de Saint-Ulphace, en effet, pleure encore les belles statues en granit qui ornaient autrefois sa façade et qui furent brisées à coup de masse par un sans-culotte de la commune. Le châtiment, à la vérité, fut exemplaire et par un juste retour de la justice de dieu, le malheureux qui avait déjà deux enfants infirmes, expia durement son crime. Un soir qu’après l’une des journées les plus chaudes de la saison, le ciel s’était tout à coup chargé de sombres nuages, un orage furieux se déchaîna sur la contrée. La pluie tombait à torrents, les arbres craquaient sous l’effort du vent et le tonnerre grondait par intervalles avec un bruit formidable. Effrayé, le troisième fils du profanateur s’était réfugié dans les bras de son père. Soudain un éclair jaillit, une gerbe de feu éclate dans une explosion terrible, et l’enfant tombe foudroyé sur la poitrine du sacrilège ! L’événement produisit dans tout le pays une profonde impression : personne ne douta que le châtiment ne fut providentiel, et le souvenir s’en est conservé jusqu’à nos jours, ( écrit vers 1900 ) comme celui d’un des épisodes les plus tragiques de la Révolution.

Au mois d’avril 1801, enfin ( germinal an IX, ) une ère nouvelle s’ ouvrit pour la paroisse de Gréez…. Pour la première fois depuis six années, la seule cloche que l’on avait pu conserver jeta dans les airs une note vive et joyeuse. Après avoir mêlé jadis sa voix aux fêtes et aux deuils des habitants, célébré leurs naissances, salué leurs serments ou traduit plaintivement leurs adieux suprêmes, elle revenait leur annoncer dans un chant de triomphe l’événement le plus heureux qui puisse désormais se produire pour la Religion et la Patrie.

« Le 30 germinal an IX, (30 avril 1801) nous raconte dans un procès-verbal d’un style quelque peu solennel, M. Franchet, alors maire de Gréez, le carillon s’est fait entendre à cinq heures du matin. A neuf heures, la générale a battu. La garde nationale, réunie en armes à onze heures et précédée du tambour, s’est transportée à la maison commune et au domicile du Maire. Sur son invitation et celle du citoyen de Saulty, adjoint, le bataillon commandé par le citoyen Pigalle, capitaine, s’est mis en mouvement et a dirigé sa marche vers le Haut-Bourg où le Maire a donné une première lecture de la proclamation des Consuls aux Français, relative au traité de paix. Un feu de peloton et les cris prolongés de Vive le Premier Consul ont terminé cette première publication. Le Maire a annoncé à l’Assemblée que la seconde et dernière allait se faire dans le Bas-Bourg au pied de l’arbre de la liberté, et sur le champ. Le cortège s’est mis en mouvement pour se rendre sur le point désigné dans le même ordre …. Ce qui s’est exécuté avec toute la dignité et la précision que commandait l’événement heureux qu’on célébrait. Cette dernière lecture s’est également faite au milieu d’une troupe nombreuse de citoyens qui faisaient éclater la joie la plus pure, en bénissant un gouvernement dont les premières opérations sont signalées par le retour de la paix et de la justice ».

Malgré les sourires que peuvent provoquer les roulements enthousiastes du tambour du citoyen Charles Cousin, l’emphase de M. le Maire, et le défilé du bataillon de la garde nationale, on sent dans ses lignes le frisson de joie si légitime et si profonde qui traverse les âmes des habitants et fait battre leur cœur, en ce jour mémorable du 30 germinal an IX ! Pour eux comme pour la France entière, c’était la délivrance, la résurrection, le soulagement de la conscience publique.

Leurs premiers soins fut de rouvrir l’antique église de Saint- Almer qu’ils avaient su garder intacte, et de réclamer de nouveau avec ardeur la conservation de la paroisse. « La commune de Gréez, écrit la municipalité, a toutes les ressources pour s’assurer à elle seule une succursale. Sa population est de 1400 habitants ; son église, non vendue, est spacieuse. Réparée à neuf au commencement de la Révolution, elle n’a subi depuis aucune détérioration, et nous n’avons rien négligé pour la maintenir dans un état de décence qui répond à la grandeur de sa destination ». Ce langage honore à la fois et les magistrats qui le tenaient et la population qui les avait mis à sa tête : il justifie amplement ce que nous avons dit des uns et des autres.

« Citoyens, continue notre orateur, vous désirez depuis longtemps un ministre du culte catholique : vous l’avez obtenu. Chacun de vous regarde sans doute comme un bienfait du gouvernement de posséder un instituteur qui, rappelant aux pères de famille des idées religieuses presque effacées, gravera encore dans le cœur de vos enfants ces principes de vertu et de morale sans lesquelles aucune société ne peut subsister. »

Il s’agissait, dès lors, de fixer le traitement du curé. Invitée à s’assembler, la municipalité fit appel au dévouement et à la générosité des habitants. Elle ne fut point déçue. Cependant les difficultés n’étaient point épuisées. Seules les paroisses qui possédaient une église et un presbytère avaient chance d’être conservées. Or, si Gréez avait gardé son église, son vieux presbytère avait été vendu à vil prix comme bien national, et huit jours seulement étaient accordés par l’administration pour se procurer les ressources nécessaires à l’acquisition d’un nouvel immeuble.

Après avoir manifesté nettement ses intentions, la population de Gréez ne recula pas devant les sacrifices exigés. Sur le champ, une souscription fut organisée et produisit près de 3000 francs qui permirent de racheter l’ancien presbytère et de le rendre à sa destination primitive.

Le culte désormais était définitivement rétabli, et l’on pouvait croire, après la lecture solennelle de la proclamation des consuls, que le temple de Janus étant bien fermé, l’univers allait dormir en paix. La paix, hélas ! n’est point de ce monde et le 12 nivôse an XII de nouveaux troubles éclataient à Gréez, nécessitant un appel « à la prudence, à la sagesse et aux pouvoirs du gouvernement ! »

L'église au XIXe siècle

L’église de Saint-Almer, elle-même, vient de retrouver une vie et une splendeur nouvelles. Aux travaux exécutés dans la nef, de 1856 à 1858, du temps de M. l’abbé Morancé dont le nom est resté en vénération dans la paroisse, se sont ajoutées, depuis 1896, une restauration mieux comprise de l’extérieur du chœur, la reconstruction de la sacristie et d’importantes améliorations intérieures.

La grande fenêtre du chevet, entre autre, a été dégagée de la maçonnerie qui l’obstruait à moitié, et ornée d’un vitrail à deux lancettes, représentant d’un côté la mort de Saint-Almire, de l’autre, l’origine du scapulaire dont l’archiconfrérie est érigée canoniquement dans la paroisse. L’autel, aux planches de peuplier vermoulues et crevassées, a fait place à un autel en marbre blanc, qui à défaut d’autre mérite, a au moins celui de rappeler le nom d’un éminent prélat. ( Mgr de Dreux-Brézé, évêque de Moulins, qui avait fait don de cet autel à l’église de Mont-Saint-Jean ). Le retable dégrossi, remanié et prolongé sur ses côtés par des arcatures surbaissées, apparaît plus léger, plus gracieux. Les bancs qui fermaient l’entrée du chœur ont été transformés en stalles. Le sanctuaire, enfin, a reçu avec un nouvel ameublement, un carrelage en céramique, et a pris de plus vastes proportions par le déplacement de la table de communion repoussée jusqu’à la tour.

Comme aux meilleurs jours de l’histoire paroissiale, de multiples et généreux concours se sont réunis pour assurer cette heureuse métamorphose de l’antique église de Monsieur Saint-Almer. Dès 1895, sur l’initiative du conseil de fabrique, l’administration municipale de Gréez s’honorait, en votant pour la réparation du chœur et la construction de la sacristie, une somme de 2000 francs. Peu après, le ministère des Cultes y joignait une subvention de 1400 francs et la Commission départementale des Monuments historiques, une autre subvention de 350 francs, affectée spécialement au nettoyage des voûtes. La Fabrique et la générosité des habitants aidés de quelques souscripteurs du dehors, ont fait le reste. Tous ont tenu à participer à l’œuvre sous les formes les plus variées : aucun, on peut le dire, n’est resté étranger à un élan qui, du centre de l’agglomération, s’est propagé dans les plus petits hameaux.

D’autre part, M. Pascal Vérité, inspecteur des édifices diocésains, qui avait la direction des travaux, les a conduits avec un art et un talent auxquels nous tenons à rendre publiquement hommage. Copiste sévère, imitateur scrupuleux quand il répare ou reproduit un monument ancien, il nous a montré par ailleurs qu’il savait, dans les parties neuves, étudier des combinaisons ou risquer des formes nouvelles alliant agréablement l’art à l’originalité et à l’élégance.

Ces restaurations, qui datent d’hier, prouvent que la paroisse de Gréez demeure toujours attachée à sa vieille église et par suite au culte de son patron le moine Almire, car il y a de tout temps une corrélation forcée entre le culte d’un saint et l’édifice qui lui est consacré. Les générations nouvelles sauront, elles aussi, nous l’espérons, garder avec ce double attachement, un reconnaissant souvenir au pieux solitaire, qui apporta jadis au pays, les premiers germes de la civilisation. Pour être de notre temps, il n’est pas nécessaire de renier dédaigneusement le passé, et toute notre histoire nationale témoigne que le véritable progrès n’est que l’épanouissement des efforts ou de l’expérience des siècles antérieurs.

Source : L'histoire d'un petit village : GREEZ-SUR-ROC extraits tirés du livre de l'Abbé Vavasseur, curé de Gréez, édité en 1901 par les Imprimeurs-Editeurs G.Fleury et A Dangin à Mamers et fondation Jean Jousse
Extraits réalisés par Louisette et René Pigeard

Une présentation des visages sculptés sur la façade de l’église de Gréez sur Roc

Depuis un millénaire, l’art chrétien représente la vision décrite dans le livre de L’APOCALYPSE
- Dernier livre de la BIBLE au chapitre 4 -
- L’Apôtre Jean y voit le Créateur assis sur un trône, entouré de 4 VIVANTS répartis comme les points cardinaux, ce qui évoque le monde entier.

Les 4 VIVANTS garnis d’yeux sur tout le corps proclame jour et nuit :
Saint, Saint, Saint le Seigneur, le Dieu tout puissant
Celui qui était, qui est et qui vient.

La tradition vit dans ces 4 VIVANTS les symboles des 4 évangélistes
- Rédacteur des EVANGILES, dont le nom signifie « BONNE NOUVELLE »
Comme donnant le sens de la vie à travers le message de Jésus.
Chacun d’eux met en avant une image dans un premier chapitre :
- MARC le lion évoque la voix qui crie dans le désert.
- LUC le taureau évoque le sacrifice qui est partage de la vie avec Dieu.
- MATHIEU l’homme : Jésus par sa généalogie est relié à l’humanité
- JEAN l’aigle : il révèle que la vie de l’homme s‘épanouit dans les cieux.

Pourquoi les 4 VIVANTS de Gréez sur Roc sont-ils prolongés par d’autres visages, deux à droite, deux à gauche ?
Conformément aux usages de l’époque.

On peut penser que
L’un des huit personnages - autre que les 4 Vivants -
Représente ALMIRE, ERMITE, fondateur de l’église (avec un capuchon)
Et un autre, le maître d’œuvre (maire ou curé )

Texte repris sur l’original de l’Abbé – Chanoine : curé de Gréez sur Roc, Abbé Degatines


Saisie : René Raymond Jean PIGEARD

Dernière modification : 7 Janvier 2012