Histoire des communes

Anecdotes : Le Grand-Lucé

1781

Le 2 juin dernier, à dix heures du matin, le feu prît à Lucé, y consomma cent quarante quatre maisons, les halles, d'une grandeur prodigieuse, et l'église. En moins de quatre heures, le feu fît tout son ravage. Cinq personnes furent victimes des flammes; quelques bâtiments de la basse cour du château, ensemble le portail du coté de l'église, furent brûlés. Au moyen de ce que mademoiselle Pineau de Lucé, fille de feu M. Pineau de Lucé, intendant de Strasbourg, avait fait faire la vente de tous ses meubles en le dit château, peu de jours avant l'incendie, plus de cent ménages s'y retirèrent, et probablement, y resteront jusqu'à ce que leurs maisons soient rebâties. Cette propriétaire, chaque jour, leur donne de nouvelles preuves de sa sensibilité et de la générosité de son coeur. Elle porte ces belles qualités à un tel degré que si sa fortune y répondait, elle se chargerait, elle même, de rebâtir toute sa ville. Le moment du feu fut un deuil général pour tous les voisins à dix lieues au moins. Les paroisses à trois lieues envoyèrent des secours en pain et argent dès le lendemain de l'incendie, jour de la Pentecôte, à tous ces malheureux, plus morts que vifs et errants dans les champs, bois et chemins.

Au moment du feu, il se déclara un orage violent. On dit que le tonnerre tomba au milieu de ces infortunés sans blesser personne. Le feu avait pris et commencé par l'imprudence d'un boulanger qui ne voulut en donner connaissance au public qu'après qu'il n'y eut plus de remède. La sonnerie de l'église était composée de quatre cloches de toutes beauté et bonté. Sans contredit, elles étaient les plus belles et les plus harmonieuses de tout le Haut-Maine.

M. de Geoffroy de Gonssant ordonna une quête dans tout le diocèse; il commença, lui-même, par donner six cent livres. On croit que toutes les aumônes pouvaient monter à quarante mille livres; la ville du Mans, seule, a donné vingt cinq mille livres. On croit que le roi a promis cinquante mille livres, mais tout cela est peu de chose pour réparer les pertes et rebâtir cette ville. Les habitants en étaient riches par la fabrique et commerce des toiles, par le commerce de la raisine et manufacture des oribus, par l'excellent marché de blés de toutes espèces, de fils, chanvres, marrons dans la saison, et bestial. Les caves de cette ville étaient si bonnes que le vin s'y perfectionnait au point qu'on en buvait point ailleurs de pareil, surtout en blanc. M. Rottier bailli de cette ville, si distingué par ses talents et ardeur à soulager tout le monde, d'après ses expédients, il y a apparence qu'en peu d'années, cette ville ruinée prendra une forme beaucoup au dessus de celle qu'elle a perdue. Le roi a fait dresser un plan que ce bon bailli fait admirablement bien exécuter. Il se sert, pour cela, de M. Cointereau, homme de goût, sachant bien le dessein, très laborieux et actif. Au moment du feu, M. de Clusel, intendant de Tours, s'y rendit sur le champ, y fit des prodiges de charité et depuis cet instant, il n'a cessé de faire des demandes et actions en faveur de ces incendiés, qui doivent immortaliser sa mémoire. Mais la nourriture de ces malheureux a consommé grande partie des secours, de manière qu'il n'y aura que les plus à l'aise qui pourront rebâtir.

Source : registres paroissiaux d'Evaillé


Source : Registres Paroissiaux

Saisie : Guy CHEVEREAU

Dernière modification : 6 Février 2009

 

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