Histoire des communes

Divers : Brûlon

1777 - Etablissement d'un bureau de charité

Pendant le cours de cette année, on a établi dans cette paroisse un bureau de charité, voyant l'abus qui résultait de laisser courir les pauvres mendier leur vie, ce qui entretenait l'oisiveté, leur inspirait de plus en plus de dégoût du travail et de là fomentait tous les vices. Autre inconvénient, savoir les plus hardis par leur opiniâtreté, avaient la meilleure part et les aumônes, pendant que souvent les plus indigents restaient dans leurs maisons mourant de faim, retenus par timidité ou par maladie, ou par le grand nombre d'enfants petits ; on a cru que le meilleur moyen était d'un côté d'empêcher cette vie vagabonde, et de l'autre de proportionner les aumônes aux besoins respectifs.

Pour cela ont fait une assemblée de paroisse dans laquelle il a été décidé qu'on ferait des réglements portant qu'il y aurait au tronc à l'entrée de l'église, ou mettraient leurs aumônes ceux qui ne voudraient pas être connus, qu'il y aurait un grenier ou l'on déposerait le grain provenant ou de la charité des fermiers, ou de l'argent du tronc ; le tout fermant à clefs déposées entre les mains du sieur curé, ou du procureur de fabrique, ou d'un des administrateurs du bureau. Ledit bureau est composé du curé, du seigneur, du procureur de fabrique et des notables, tant du bourg que de la paroisse et en outre d'une dame de charité. Le dernier dimanche de chaque mois, le sieur curé avertit le bureau pour s'assembler, pour faire l'ouverture du tronc et du grenier, afin de régler ce qui sera donner à chaque maison pauvre, suivant le mémoire que l'on a fait desdits pauvres, le nombre et l'âge de leurs enfants. Cette aumône se fait tous les premiers dimanches de chaque mois, excepté les mois d'août, septembre et octobre, quelquefois novembre. Pendant le courant de chaque mois si quelqu'un se trouve malade, ses parents viennent trouver le sieur curé, trésorier du bureau, qui leur donne une carte pour aller chez le chirurgien chercher ses remèdes, ou chez la dame de charité, chercher viande, bouillon, vin, pain blanc, etc.., ou argent en quantité marquée par la carte. Ledit chirurgien et ladite dame viennent quand bon leur semble lors de la tenue du bureau, se faire payer ce qu'ils ont fourni. Par ce moyen, les pauvres sont assistés en santé ou en maladie, et au lieu d'aller perdre le temps à mendier, ils travaillent.

Nota -1°- que le sieur curé doit de temps en temps dire quelque chose pour
faire voir l'avantage de cet établissement et engager les particuliers à
fournir selon leur moyen

Nota -2°- qu'au commencement de l'hiver, il doit avertir ceux qui ont de vieilles hardes, comme habits, vestes, cotillons, chemises, etc., de les lui
envoyer pour qu'il les donne selon le besoin. En toutes choses, il doit donner l'exemple.

Nota -3°- que l'on a un registre coté et paraphé du juge, qui renferme et
contient l'établissement du bureau, les articles des réglements qu'on observe : comme les pauvres ,audacieux, voleurs, impies, fainéants, etc. ,n'auront point part aux aumônes. Nous avons remarqué que depuis un an on observe ce que dessus et des autres parts, 45 ou 50 boisseaux de mouture par mois suffisent pour les pauvres, et qu'en y comprenant les autres dépenses, soit pour le chirurgien, soit pour la dame de charité. Il ne faut pas plus de quinze à dix huit cents livres par an, pour assister les pauvres de Brûlon

Le froment vaut 5 livres, 10 sous ; le meteil, 4 livres 10 sous ; les autres grains en proportion. Les pauvres sont contents et bénissent le ciel ?Amen. Signé : Beucher, curé de Brûlon

1777

Cette même année a été la plus fertile en toute sorte de grains qu’on ait peut être vue ; tous les fermiers (ce qui est rare ) se trouvaient contents ; le printemps et l’été jusqu’à la fin de juillet ont été ou froids ou pluvieux. Depuis environ 15 ans, tous les printemps sont de même, ce qu’on attribue à l’axe du monde qu’on dit incliné plus qu’auparavant ; pour moi, j’avoue que je n’en connais d’autre cause que la volonté du Tout Puissant ).Quoique les greniers soient pleins, cependant le grain, comme on le voit, n’est pas à bon marché, ce qui vient tant de ce que les fermiers ne se pressent point de vendre, étant enrichis depuis dix ans que le grain est très cher ; quoique presque toujours en abondance, que de ce que l’exportation étant permises, les blés passent en pays étrangers. Les fermes depuis cinq ans ont augmenté près des deux tiers ; il y a un nombre considérable de personnes qui en cherchent sans en pouvoir trouver. Ce qui empêche qu’on se marie, actuellement ; il y a plus de cinquante jeunes gens en cette paroisse qui ont l’âge et la volonté de se marier, mais qui en restent là, ne trouvant même pas de maison pour se loger. On n’apresque pas cueilli de vin cette année, aussi est-il très cher ; le vin d’Anjou vaut 250 livres la pipe. Il a été des pommes passablement ; mais la Normandie est manquée. Signé : Beucher

1778

Un temps pluvieux contrarie la récolte Ceste mesme année nous avons fait faire notre tabernacle et argenter nos chandeliers. On a fait une quête dans la paroisse o l’on a ramassé avec quoi acheter les matières nécessaires, des gens zélés ont nourri le doreur et le sculpteur, de façon qu’il n’en a rien coûté à la fabrique qui, d’ailleurs, n’aurait pas été assez riche pour en faire la dépense. Signé : E Beucher, cuté de Brûlon

1779

Cette année a esté très abondante en tout genre, blé, vins, fruits, tout a été à vil prix. Le 20 avril,, nous mangeâmes des petits pois cueillis à Brûlon. Cette année il est bien mort du monde de la dysenterie ; ici, elle n’a pas été si cruelle. Sugné : Beucher, curé de Brûlon

1780

1°-Cette année a été fertile en gros blés ; les vins ont été en assez grande quantité et fort bons. On ne manquait point de vin ducanton pour cinquante livres la pipe ; dans l’Anjou on en achetait du bien bon pour 60 livres. On peut dire qu’à cela près la disette a été générale ; aucun fruit ; dans toute la paroisse, il n’a peut –être pas été cueilli six pipes de pommes ; l’été a été le plus long qu’on se souvienne, l’hiver passable

Le cinq octobre, Mgr de Jouffroy –Gonssans, l’évêque du Mans, est venu dans ses visites épiscopales nous donner la confirmation. Depuis environ un an et demi qu’il faisait la visite de son diocèse, il en avait confirmé deux cents lille ; il en confirma ici environ 1200, y compris Le Creux et Viré. Nous avons été avertis deux mois auparavant ; pendant ce temps nous avions préparé notre monde pour les instructions et confessions. Je fis les instructions sur la religion en général, ensuite les sacrements de pénitence et de confirmation. En outre, trois fois la semaine, sans les dimanches, nous faisions le catéchisme, les particuliers faisaient encore instruire dans leurs maisons. Signé : Beucher

Le seigneur évêque a béni une chasuble et s’en est servi pour célébrer les saints mystères, une dame en a fait présent ; elle revient à 400 livres

Cette année, le seigneur évêque a supprimé la permission que son prédécesseur avait accordée depuis 3 ou 4 ans, de faire gras les samedis, depuis Noel jusqu’à la Purification. Il a établi dans son séminaire une retraite tous les ans pour M M. les curés ; elle commence le mercredi d’après la dédicace des églises de campagne ; elle dure 8 jours. Signé : Beucher

1781

La présente année est remarquable par une sécheresse dont on n’a point d’exemple. Elle commença le mercredi des cendres ( le jour du carnaval, il avait fait une pluie et une tempête terrible ) et dura jusqu’aux avents. L’année a été des plus fertiles en blé, cidre et vin, jusqu’au point qu’en bien des pays vignobles, on a abandonné une partie de la vendange, faute de tonneaux. Beucher, curé de Brûlon

1782

Cette année a été très pluvieuse. Nous mangeons du mauvais pain, mais le Bas Maine est encore plus maltraité. Le pauvre peuple mourait presque de faim à côté de son pain. Aussi on n’a point connaissance d’avoir vu universellement tant de malades. Depuis Pâques, j’ai donné tant pour cette paroisse que pour les voisines plus de trois cents médecines

Le 7 février, on a posé les fondements de l’autel adjacent à la sacristie. Un de nos bourgeois a donné 400 livres pour le faire.

Cette année on a fait réduire les fondations, tant celles qui sont faites à la cure, que celles qui sont faites en faveur des fabrices de Brûlon et du Creux. On peut voir la sentence du seigneur évêque dans les papiers de la cure ou en ceux de la fabrice. On a l’intention de détruire, par ce moyen, les recommandations, les répons Audi nunc et les pie Jean qui allongeaient l’office extraordinairement. Le seigneur évêque du Saint Père les indulgences plénières pendant sa vie pour tous les moribonds de son diocèse. Les ministres sont : M M. les curés desservants et les plus anciens vicaires des doyennés et des autres paroisses ou il y avait mille paroissiens. Signé : Beucher

1783

Cette année offre plusieurs événements dignes d’attention

1°- l’été et l’automne ont été très beaux et très chauds, il y a eu une récolte assez abondante

2°-Le 5 février commença le boulversement de la Sicile. La Calabre est presque toute changée de face ; Messine est ensevelie sous les ruines. Le tremblement de terre qui a duré à plusieurs reprises pendant plus de huit jours a été suivi non seulement de l’écroulement des édifices, mais encore de l’affaissement des montagnes, des feux souterrains ayant miné et fait irruption, l’incendie se joignait aux autres désastres, des grands chemins, des rivières disparu ; et à peine en pouvait-on trouver les traces. On compte qu’il a péri cinquante mille âmes

3°- Pendant les mois de juin et juillet, dans presque toute l’Europe, l’atmosphère était remplie d’une espèce de brouillard, ou plutôt de vapeurs qui dérobaient le soleil, et quand on l’apercevait, on le regardait aussi fixement que la lune, sans être aucunement ébloui. Tout le peuple en était épouvanté et disait que nous allions avoir le jugement dernier. Les physiciens ont attribué ces vapeurs aux explosions de la Sicile

4°-Dans le mois d’août et le reste de l’automne les trois quarts du monde ont été malades ; on en trouvait jusqu’à quatre ou cinq et même six malades par chaque maison, et cela universellement ; heureusement il ner mourrait personne. On attribuait la cause de ces maladies à la mauvaise qualité des grains de la dernière récolte, ou au défaut de froid de l’hiver précédent qui, à la vérité, ne fut que pluvieux, ou à ces vapeurs exhalées par la Sicile, ou enfin aux chaleurs qui pendant plusieurs jours ont été excessives. Peut –être que le tout y a contribué

5°-Cette année est encore remarquable, par l’Indépendance des Bostoniens ou Etats Unis d’Amérique,après une guerre de huit ans, ces peuples aidés par la France, sont parvenus à secouer le joug des Anglais et à faire reconnaître par la paix qui vient d’être signée leur indépendance. La France s’est vengée, par là, de la honteuse paix de 1763. Les Anglais ont perdu la moitié d’eux mêmes et leurs revenus, mais ils se sont fait honneur par la manière dont ils se sont battus. Nous voilà tranquilles et contents, mais ils nous retrouveront quand ils auront repris haleine, tétabli leurs finances qui sont obérées de plus cinq milliards, ragent de France, et refait des hommes.

6°-Mgr de Gonssans, notre digne prélat, a obtenu de du pape, indulgence plénière pour les curés qui iraient à la retraite au séminaire du Mans, le mercredi d’après la dédicace et qui dure huit jours. J’y ai été appelé, je m’y suis rendu avec environ 72 autres. Le seigneur évêque y a assisté, et, à la fin, nous a donné la communion. Plaise à Dieu que ce soit pour sa gloire !

J’oublais que cette année un appelé Montgolfier a inventé la machine aérostatique, ou ballon, au moyen de quoi on voyage au milieu des airs ; ce qui fait sensation dans toute l’Europe. On cherche à présent les moyens pour le diriger à sa volonté. Signé : Beucher

1784

Cette année a été remarquable par les neiges ; elles ont tombé à différentes reprises en quantité prodigieuse, et ont duré plus de deux mois.Pendant tout ce temps, personne ne pouvait vaquer ni à ses affaires ni à son travail, ce qui occasionna une grande misère.

Au Mans, les pauvres, y compris la plupart des artisans, s’attroupaient et allaient par les maisons mettre le monde à contribution. On craignait les suites de ces attroupements. M M. les curés avec les maires des villes firent des quêtes qui furent très abondantes. On dressa un mémoire du nombre de nécessiteux de chaque paroisse, et on eur partagea chez eux les secours proportionnés à leur nombre et à leur besoin.

A Paris, le bois était si rare et si cher, parce que la Seine était gelée, que chacun n’avait que la quantité de bois qui lui était déterminée par la police. Il y eut unerévolte du peuple, l’on fut obliger de redoubler la garde. Dans nos campagnes chacun se prêta au soulagement des misérables, soit pour le bois, soit pour le pain . Les curés voisins des landes de Rochard, Voutré, etc.., furent avec des gens charitables percer au travers des neiges, pour tirer des malheureux qui étaient engloutis sous leurs loges et qui y auraient péri sans un prompt secours. A la fonte des neiges, on ne saurait croire les ravges et les pertes qui s’ensuivirent

2°-La sécheresse de cette année a été inouïe. On a fait tout l’été prières, pélerinages pour avoir de la pluie, tout cela inutilement. La Providence paraissant oublier les hommes s’est fait connaître d’une manière qui tient du miracle, en ce que, malgré que tout parût mourant et brûlé, cependant sans pluie et rosée tout est venu à maturité, et en suffisante quantité, à l’orge et le chanvre près

3°-A Brûlon, on a voulu faire les petits Montgolfier, M Suard, ancientrésorier de France, à Alençon, proptiétaire de la maison appelée la Grande Vigne, avec M l’abbé Chappe, neveu de M.Chappe qui a fait le voyage de Sibérie, ont lancé un ballon le 16 octobre, à 5 heures 5 minutes du soir ; il s’éleva très promptement au grand applausissement de tous les spectateurs, monta très haut, et tomba dit-on, en la paroisse de Cossé

4°-Autant les Français se sont toujours distingués des autres nations par leur amour de la aprure, leur changement de modes et autres semblables petitesses autant depuis une dizaine d’années ils se surpassent eux-mêmes par leur fureur pour ces niaiseries. Tous les jours on ne s’étudie qu’à inventer de nouvelles façons de se distinguer les uns des autres. Toujours nouvelles coiffures, nouvelles chaussures. A peine une nouvelle mode est-elle inventée qu’une autre paraît ; et alors tout le monde en veut. On n’épargne rien pour se la procurer, que dis-je ? pendant ce temps –là on invente une nouvelle, et tel qu’il brûlait qu’il ne fût procuré ce nouveau venu, et aurait pitié de lui qu’il paraissait avec la parure surannée qu’il regardait la veille , comme le dernier goût.

Ce qu’il y a de plus facheux, c’est que cet amour de la nouveauté dens les habillements a passé dans la bâtisse, les ameublementset jusque sur les tables. On réforme toiut, et on raffine surtout.En un mot, le luxe dans les grandes villes surtout est poussé à son comble ; dans tous les genres. Ce qui met tout le monde à l’étroit. De là pour entrenir ces cruelles et folles dépenses, on ne s’occupe que des moyens de trouver de l’argent. La justice, la finance, le commerce, etc.., n’épargne ni ruse, ni injustice, en un mot tout est égal, pourvu qu’il soit lucratif ; ce malheureux luxe influe sur les mœurs à un point qu’on ne saurait définir ?Combien de filles auraient toujours été vertueuse, si elles avaient toujours demeuré dans les bornes d’une honnête simplicité !Aussi les mœurs et la religion tombent en la même proportion que ces folies augmentent. Pour comble de malheur, le mal a pénétré des villes, dans nos campagnes. Les servantes d’aujourd’hui sont mieux parées que les filles de famille ne l’étaient il y a 20 ans. A la vérité, les mœurs ne sont pas encore si corrompues ici que dans les villes ; mais je crains fort que peu à peu on ne secoue le joug, et que le mal ne pénètre jusquà l’intérieur

5°-Une autre époque de la dépravation des mœurs et de l’irreligion est la nouvelle philosophie. Les malheureux J.J.Rouseau et Voltaire ont répandu pendant leur vie une semence d’impiété, qui porte après leur mort des fruits trop abondants. Tel qui était troublé et arrêté dans ses désordres par la crainte d’un enfer, saisit avec bien de l’empressement une doctrine qui lache la bride à ses passions ; on se persuade facilement que la religion n’est qu’une invention humaine, quand on n’est pas disposé à l’observer !gâce à Dieu, nos bonnes gens, jusqu’à présent, n’ont pas encore éprouvé aucune atteinte dans leur foi ; fasse le ciel que le mal ne pénêtre pas jusqu’à eux !Je crains fort que comme le luxe a pénétré de la ville à la campagne, l’impiété et l’irreligion ne suivent de près.

Signé : Beucher, curé de Brûlon

1785

18 août 1785-Bénédiction de la grosse cloche de Creux, succursale de Brûlon, sous les noms de René et de Madeleine. Parrain, Me René Hamon, sieur de La Fontenelle, avocat ; marraine, dame Madeleine Jeanne Géré de La Motte, épouse de Me Pierre Fautrat, sieur de La Guérinière, sénéchal de Champagne. Signé : Hamon ; Géré de La Guérinière ; Beucher, curé de Brûlon



1785-1°-Cette année a encore été de beaucoup plus sèche que la précédente. Le foin s’est vendu 210 livres la charretée ; tout l’été, tout le monde du matin au soir était occupé à chercher lierre, gui, et à la fin de dépouiller les arbres de leurs feuilles pour faire languir leurs bestiaux. Quand aux chevaux, ou on les donnait, ou on les abandonnait dans les landes ; il en a péri plus de la moitié. Presque la moitié de l'’té on a fait processions, bénédictions du Saint Sacrement et prières publiques pour avoir de la pluie ; à la fin on a tout remis à la Providence. On ne faisait plus que gémir

2°- Cette année, nous avons fait construire les babcs et bancelles de notre église pour la somme de 1180 livres. Quand un banc vient à vaquer on le publie par trois dimanches et on le met aux enchères. Ce qui va depuis 6 jusqu’à 8 livres. Auparavant on avait des bancs pour 8 ou 10 sols de rente ; aussi nos revenus augmentent, je me propose de faire endiure l’église, lambourder les lambris, enduire les murs en dehors, refaire les autels de saint René et saint Jean, refaire les stalles et les repousser en la place ou sont les bancs autour du chœur pour le relargir, acheter un pupitre en fer, semblable à celui de saint Benoit du Mans. Un belle église et un office fait avec majesté édifie et nourrit la piété

3°- Cette année, j’ai recommencé les instructions à la grande et première messe. Je suis l’ordre du catéchisme de Monpellier ; j’espère que cet ouvrage durera cinq ou six ans. Signé : Beucher

1786

1°- Cette année a été abondante en toute sorte de grains, aussi le blé, dès le commencement de la récolte, a diminué d’un tiers. La Providence est venue en notre secours bien à propos. Le pauvre peuple était épuisé. Le chanvre ayant manqué les années précédentes, les femmes n’avaient point de filature qu’à untrès haut prix. On fit venir du lin de Flandre et de Lorraine

Il vint des petits blés par la Loire, et de la Loire par la Sarthe à Sablé, à Laval etc…, en si grande quantité qu’on ne voyait du matin au soir que gens et chevaux qui les transportaient dans l’intérieur de la province. L’humidité des bateaux les avait rendus de mauvaise qualité et on les vendait encote depuis de 7 jusqu’à 8 livres le boisseau, mesure de Loué. Cependant sans ce secours, il y aurait eu une famine universelle. Pendant cette misère à laquelle les pauvres ont été réduits, je n’ai point trouvé de meilleur moyen de leur procurer du secours que de faire tous les mois une quête chez tous les gens aisés. Chacun s’est prêté à l’envi à leur soulagement ; je ramassai depuis trois jusqu’à cinq livres.

Outre cela, j’écrivis à tous les propriétaires et bénéficiares qui avaient des biens à Brûlon. Enfin, Dieu m’a fait la grâce de trouver par mois depuis 40 jusquà 45 boisseaux de blé, mesure de Loué, que je leur distribuais après vêpres, le dimanche, au bureau de charité

2°- L’année 1786, il y eut une si prodigieuse vendange que, manquant de tonneaux dans les pays vignobles, ceux qui à la vendange menaient dix tonneaux, en ramenaient cinq de pleins sans bourse délier. Dans l’Anjou on trouvait du vin à 10 livres la buce.On dit même à six, il était de bonne qualité

3°- Cette année vers la Toussaint, on a fait l’ouverture de la grande route e Sablé à Silé. Cette route, désirée depuis longtemps, donnera communication de l’Anjou au Maine, et à la Normandie ; de là les vins se repandront à bien moindres frais dans le Maine et la Normandie. Comme les cidres de Normandie nous viendront plus facilement, quel avantage pour le transport des fers, des bestiaux. Quand à Brûlon cette route lui dera d’un avantage indicible. Nous espérons que nos foires prendront figurejusqu’à présent elles n’ont rien valu ), que le commerce se ranimera, et de là, que les personnes qui manquent d’ouvrage une partie de l’hiver seront occupés. Heureux surtout si l’on peut occuperles garçons ! En effet, jusqu’à l’âge d’environ 15 ans ou ils vont en condition, ils sont tous désoeuvrés. On ne sait à quoi les employer. Alors, l’oisiveté s’emparant d’eux, ils se livrent à la rapine, à la mendicité, au dégoût du tavail et à plusieurs désordres qui souvent font un mauvais sujet d’un enfant qui paraissait bien né.C’est là une des plus grandes peines de notre ministère. On n’a rien négligé tant aux petites écoles qu’aux catéchismes pour jeter dans tous les cœurs des semences de vertu, pour les instruire solidement de notre sainte religion. On leur a fait faire leurs premières communions avec les meilleures dispositions. On leur donne tous les avis pour conserver leur innocence en se garantissant des dangers sans nombre auxquels ils vont être exposés.Mais étant répandus dans la société, livrés à eux mêmes, sans travail, ils oublient les avis qu’on leur avait donnés, et prennent le train des autres, et sur dix, il y eu pour le moins cinq qui avant lvingt ans sont des libertins

4°- Cette année, la troisième fête de Pâques, le doyen de Brûlon, curé d’Epineu, a bénit notre grand cimetière, en conséquence d’un ordre de Sa Majesté qui enjoint que les cimetières soient hors les bourgs, craintes de l’infection. Cela nous gêne beaucoup, mais il faut obéir aux puissances. Signé : Beucher, curé de Brûlon

1787

1°- Cette année est remarquable par les pluies qui ont commencé à l’automne, de sorte que les chanvres qui étaient en abondance ont été plus de la moité câtés ; la vendange a pourri sans mûrir et a été détestable. Le blé ayant été en abondance et restant encore beaucoup de vieux, dont on n’a pu se procurer l’exportation quoiqu ‘autorisée par le Roi. Le peuple a vécu à peu de frais : le pain de méteil ne coûte pas un sou la livre

2°- Cette année, le Roi Louis XVI, étant à court dans ses finances par les dépenses énormes qui se font à la Cour sous la mollesse de son gouvernement, la Reine pillant de tous côtés pour envoyer même ; dit-on à son frère l’empereur ; les ministres volant impunément ; les frères du Roi se surpassant en dépenses, de façon que depuis la paix de1783 , l’Etat s’est endetté de plus de trois milliards ; le Roi, dis-je, a assemblé les notables de toutes les provinces de son royaume pour pourvoir aux moyens de soulager l’Etat. Cette assemblée des notables s’est tenue à Versailles pendant environ deux mois. Là on a demandé de remédier à la détresse ou l’on s’est jeté pour une si mauvaise administration, ce qui a donné du ressort au génie pour réfléchir sur tout ce qui concerne le gouvernement ; de là les réflexions sur les abus, sur l’autorité royale, sur les droits ses peuples, sur l’usage et l’étendue des impôts, de là enfin un esprit républicain s’est emparé de toute la France, au point que les choses en sont aujourd’hui dans une crise, dont l’issue pourra occasionner une révolution dans l’Etat. Heureux s’il n’y a point de guerre civile ! d’un côté, le Roi toujours conduit par ses ministres ne veut point reconnaître ses bornes à son autorité ; d’un autre côté, les parlements et le corps de la nation réclament leurs droits. Quelle sera la fin de ces démélées ! On a établi les assemblées provinciales ; nous nous sommes déjà assemblés trois fois pour répondre aux questions qu’on leur a proposées.Aujourd’hui on dit qu’elles vont être supprimées, et qu’à leur place on va substituer des Rats provinciaux, et que toute la France sera en pays d’Etats. Tous demandent à cor et à cri la suppression de la gabelle ; la réforme des moines, de la finance, de la Justice. Plaise à Dieu que tout soit bien réformé. Les protestants sont rappelés ; je souhaite qu’on ne revoie jamais les malheurs qui les avaient chasser. Aujourd’hui, tous les grands et personnes en place n’ont aucune religion ; il n’y a en plus que ceux du second rang et dans nos campagnes . En les villes le luxe, les dépenses sont à leur comble, et le débordement du vice ne reconnaît aucun frein

Deux misecréatur nostri. Signé : Beucher, curé de Brûlon

1788

1°- Ctte année est remarquable par la sécheresse de l’automne jusqu’à ma mi-janvier de l’année suivante, par le froid excessif qui commença le 22 novembre et qui, augmentant toujours, dura jusqu’au 14 janvier 1789

Voici un précis du journal de Rouillon ;

Le 31 décembre, à 7 heures trois quarts le matin, à Paris, le cliar, le vent E.S.E. Le baromomètre à 28 poces 3l. et demi ; les thermomètres marquaient 18 degrés trois quart au dessous de la gelée ; il n’y a pas d’exemple d’un aussi grand froid à Paris. En 1776, le plus grand froid au même thermomètre ne fut que qu’à 16 degrés et demi. La gelée constante 1776 fut depuis le 9 janvier jusqu’au 2 février. Le froid de 1746, ne fut qu’à 10 degrés et demi au dessous de la glace. L’hiver de 1709, qui fut désastreux, fut moins long que celui-là. Le thermomètre ne fut qu’à 15 degrés. Pour comble de malheur, les moulins ne pouvaient marcher, le peu d’eau qui nous restait de la sécheresse étant gelée

On dit qu’à Torcé en Charnie et paroisses voisines, on moulait le blé avec des moulins à tabac, qu’on le faisait bouillir pour l’écraser et en faire de la bouillie. Pendant tout ce temps les ouvriers journaliers ne pouvaient rien faire, il fallait leur fournir pain et bois. Grâce à Dieu ! les miens ont eu l’un et l’autre. Beaucoup surtout en les villes sont morts de froid ou de faim, malgré les charités qu’on redoublait

2°- Pendant toute cette année tout le royaume a été dans une agitation continuelle pour ne pas révolte. M Lamoignon, garde des sceaux, et M de Brienne, archevêque de Sens, principal ministre, ayant créé une cour plénière pour enregistrer les édits, à l’exclusion des Parlements, avec des grands bailliages par les provinces pour juger sans appel toutes les causes jusqu’à 20000 livres. Alors tous les Parlements ont crié et crié si haut, que le Roi a été obligé de renvoyer les deux ministres, de cassertous leurs établissements, et de rappeler M Necker, le nouveau Sully, qui a rappelé le clme et nous a promis les Etats Généraux pour le mois d’avril 1789.Le Tiers Etat doit avoir autant de voix que le Clergé et la Noblesse ; celle –ci fort mécontente. Paris est inondé et les ministres assaillis par des mémoires pour guider les députés aux Etats

Relation du synode du 16 avril 1788-

Nous nous rendîmes à la cathédrale à huit heures du matin. L’évêque officia pontificalement. Ensuite, un chnoine de Tours, qui avait prêché lavant-dernier carême avec tout l’applaudissement, fit un discours à trois points sur le respect dû aux lois de l’Eglise.Ces lois sont portées par une autorité légitime ; elles obligent en conscience ; elles sont très sages, nous devons donc les respecter ; elles sont très avantageuses ; nous devons donc les aimer

Après ce discours, on fil l’appel de tous les curés, nous étions 354 curés, en y comprenant les grands vicaires, archidiacres, députés deschapitres et communautés, nous pouvions être 400. Après l’appel on lut les statuts que le seigneurévêque nous proposait. Après cette lecture vinrent les débats aussi bruyants que longs et scandaleux. Il y eut d’abord pour la préséance. L’évêque avait son trône placé dans l’entrée du chœur ; étaient placés de suite les grands vicaires, les députés de Saint Julien, des chapitres de Sillé, de Saint Calais, de Troô, etc. ., et ensuite les curés par archidiaconés, et doyennés. Le curé de Saint Nicolas se leva, et protesta contre cette disposition en demandant qu’après les députés de la cathédrale les curés eussent le premier rang, et que les autres chapitres ne fussent qu’après. On reçut cette protestation et on enprit acte. Le curé de Gourdaine ayant été envoyé au séminaire trois ans auparavant avait toujours conserveé un levain contre l’évêque. Aussi tous les curés peu favorables aux statuts l’avaient choisis le chef, aussi remplit-il sa charge. Il se leva, lut un mémoire d’une demi heure contre le despotisme épiscopal, dit tout et plus qu’on ne pouvait dire sur l’autorité du second ordre. Enfin, malgté tout ce que l’on peut dire pour l’arrêter, il revint deux fois, l’après-midi à la charge. L’évêque voyant qu’il troublait le synode, ordonna à son promoteur d’en prendre acte, et son intention est d’en intruire la cour. Je ne sais qu’elles en seront les suites. Aune heure après midi, l’évêque nous congédia jusqu’à quatre heures du soir. On fut diner, les uns chez le seigneur évêque, les autres chez les grands vicaires ou chanoines. L’après diner, même tumulte, et mêmes débats surtout pour l’article sur les servantes. L’évêque voyant qu’on ne finissait point et qu’on avançait en rien, prit le parti de nous dire de délibérer par doyenné, et sur les seph heures du soir, il nous envoya pour nous retrouver le lendemain à huit heures.

Cette seconde journée fut aussi calme que la précédente avait été orageuse. Chaque doyenné conférait ensemble en paix, et prenait dans le silence ses conclusions. On les appelait tour à tour. Chaque doyen avec ses curés allait devant l’évêque, déclarait ses intentions ; le secrétaire écrivait et tous signaient. Ainsi se passa la seconde journée. Après que tout le monde eut signé, on monta en chaire et on lut le résultat des délibérations de chaque doyenné et leur signature. Les chapitres reçurent purement et simplement les statuts, les curés de la ville de même ; mais tous les doyennés ne les reçurent qu’en demandant ; pour la majeure partie que le statut touchant les servantes fût réformé en changeant le mot : Défendons d’avoir des servantes au dessous de quarante ans, en celui : Exhortons de n’en avoir, etc…Quand au doyenné de Brûlon, partie dont j’étais, ont tout reçu purement et simplement, apportant comme les autres pour raison l’impossibilité morale de trouver des servantes de cet âge qui eussent les qualités requises. Ainsi tous ont reconnu par leur signature et la modération des statuts et se sont contentés de supplier le seigneur évêque ou de changer le statut des servantes ou ne point faire homologuer sesdits statuts. Après lesdites signatures, le promoteur requit le seigneur évêque de donner son ordonnance ; un grand vicaire, après avoir pris le mot de l’évêque, monta en chaire, et dit que le seigneur évêque ordonnait queles statuts n’étaient qu’une complication des conciles, qu’ils avaient toujour été et en tous leux precrits, qu’ils étaient encore mitigés tant pour l’âge des domestiques que pour le retranchement des peines canoniques. Après quoi l’on demanda, une procession, mais n’ayant pas régler les préséances, les curés ne voulant le céder qu’aux chanoines de Saint Julien, l’on entonna le Te deum au son de toutes les cloches. Ensuite tout le monde s’étant mis à genoux, l’évêque nous donna sa bénédiction et quarante jours d’indulgence.

De là, on s’en fut par l’évêché, ou on fit un petit compliment au prélat, qui y répondit en peu de mots, et on s’en fut à six heures et demi su soir.

Nota –Il y avait cent huit ans qu’on n’avait tenu de synode au Mans. Pendant le synode, toutes les portes étaient fermées, et aucun laïque, n’y entrait ; nous étions en surplis ou étoles. Tous les curés bien intentionnés sont remplis de vénération pour l’évêque, qui ne soupire qu’après le bien. L’on dit que les autres veulent protester. L’œuvre de Dieu a toujours souffert contradiction. Signé : Beucher, curé de Brûlon

1789

1°- Cette année n’offre rien d’extraordinaire dans l’ordre physique, sinon la disette de vin, et qui n’a aucune qualité, de sorte qu’il est encore moindre que celui de 1782, appelé vin cadet. En récompense, il y a eu une di grande et si universelle quantité de pommes que tout le monde en a rempli des tonneaux de cidre pour plusieurs années ; outre cela, gens et bêtes ont mangé et mangent des fruits à discrétion. Personne n’ a acheté de vin, tous boivent du cidre

2°- Dans l’ordre publique, cette année fera époque, mais une époque unique par la grande et à jamais mémorable révolution qui s’est faite en France. Je ne me propose, faute de paier, que de donner une légère esquisse ; au reste, on n’y perdra rien. Assez de plumes travaillent pour transmettre à la postérité dans les plus grands détails un événement qui ébranle déjà ; et qui vraisemblablement changera un peu la face de toute l’Europe. Enfin, le Roi contraint par les raisons apportées dans les remarques des années précédentes, de convoquer les Etats Généraux, les ordres sont envoyés dans tout le royaume de s’assembler par paroisse et de nommer les députés pour le chef lieu de sénéchaussées et de bailliages d’ou elles ressortent

Les bénéficiers, maisons religieuses, les nobles reçoivent séparément ordre de se trouver ou d’envoyer procuration au rendez –vous. Nous nous réunissons tous, le 18 mars à huit heures du matin, au Mans, dans l’église de La Couture, ou le grand sénéchal du Maine présidait, ayant l’évêque et le clergé à sa droite, la noblesse à gauche et le Tiers Etat en face. On commença par chanter le Ven Creator ; l’évêque dit une messe basse du Saint Esprit ; le sénéchal fait un discours analogue aux circonstances ; l’évêque y répond, ensuite un Noble et un du Tiers Etat. On lit la lettre du Roi et le règlement pour les Etats Généraux. Enfin, on prête serment de tarvailler au bien et à la cause publique ; cela fait, chaque ordre se retire, savoir : le Clergé, présidé par l’évêque, aux Jacobins ; la Noblesse, présidée du plus ancien, aux Oratoriens ; et le Tiers Etat, présidé du lieutanant général au Mans, reste à La Couture. En ces différents postes, chaque ordre, pendant quinze jours s’asssemblant deux fois le jour, fit enfin son cahier de doléances et élit ses députés pour les Etats Généraux, savoir : Cinq pour le Clergé, qui sont M M. Bourdet, curé de Bouère, Berteron, curé de Teillé, Grandin, curé d'E’née, Lepeltier de Femusson, prieur –curé de Domfront, et le seigneur évêque ; cinq pour la noblesse, et dix pour le Tiers Etat. Leirs noms seront sans doute écrits dans l’histoire, sans cela je les rapporterais ici. Je ne dirais rien sur les brigues et des intrigues qui furent mises en jeu dans les différents ordres pour gagner des voix, des contestations et disputes pour concilier tant d’intérêts différents : par exemple, les curés demandaient que les dîmes restassent dans les paroisses ; et les moines, bien entendu, demandaient que les choses restassent sur l’ancien pied et ainsi des autres.



3°- Le 4 mai, se fit à Versailles, l’ouverture des Etats ; les députés de toutes les provinces, au nombre de 1200 ne se trouvant tous réunis qu’à ce temps là. Les deux ou trois mois se passa en contestations entre les trois ordres. Le Clergé et la Noblesse s’obstinent à vouloir :

1° Que les pouvoirs des députés soient examinés par ceux de leur ordre respectif

2° Qu’on aille aux voix par ordre et par tête. Le Tiers Etat persiste au contraire à demander que les pouvoirs soient examinés par les trois ordres et qu’on vote par tête et non par ordre. .Sans cela il eût été inutile que le Tiers Etat eût le double de députés, et les abus auraient toujours continué comme dans les Etats Généraux précédents. C’est ce qu’avait prévu M Necker, aussi avait-il réglé le nombre des doubles députés du Tiers. Cependant personne ne veut céder, il se fait un schisme ; le Tiers fait corps à part, se choisit un président se constitue Assemblée Nationale, et après plusieurs invitations aux deux autres ordres de se réunir, fait un serment de ne se point séparer qu’ils n’aient réglé la constitution. Toute la France est dans la consternation à la vue de ces divisions. Paris impatient s’ébranle, la route jusqu’à Versailles est remplie de gens qui murmurent, qui menacent et qui paraissent à ne pas faire de quartiers aux deux premiers ordres. .Bientôt tous se réunissent au Tiers Etats, ne font plus qu’un corps ; et de ce moment on n’a plu reconnu dans le royaume de distinction d’ordres, et les Etats Généraux ont pris le nom d’Assemblée Nationale



4° Pendant que tout le monde se réjouissait de cette heureuse réunion, il se formait des assemblées clandestines pour traverser leur opération. La Reine, le comte d’Artois, et plusieurs autres princes,avec la maison de Polignac et autres grands qui prévoyaient les changements qui allaint avoir lieu, changements qui raméneraient l’ordre, et qui, par conséquent, déconcertaient ceux qui jusqu’à lors, n’avaient trouvé leur bonheur que dans le malheur public. Tous ces gens, dis-je, et mille autres jurent la perte de l’Assemblée Nationale. Ils surprennent la conscience du Roi, toujours bon, mais trop aisé à tromper. Ils obtiennent le renvoi de M Necker, le palladium de la France, et des autres ministres amateurs du bon ordre, et en obtiennent d’autres à leur goût. Ils n’ en restent pas là, pour empêcher Parisde voler une seconde fois à leur secours de l’Assemblée Nationale, on appelle des troupes et bientôt, il se forme un camp de 30.000 hommes entre Paris et Versailles. On avait pris des mesures pour contenir Paris, et oeut être pour le boulverser par les convois d’artillerie qu’on avait braqué aux environs, par les ordres donnés à la Bastille et aux Invalides de tenir bon. Enfin, tous les papiers publics annoncent une conspiration infernale de massacrer ceux des députés les plus zélés pour la nouvelle constitution et de renfermer les autres pour contenir les provinces en cas d’insurrection.

La France, après l’espoir de plus heureuse révolution, était à la veille du plus dur esclavge. Mais la Providence vint à notre secours et bientôt nos ennemis sont déconcertés et le biencommun nait du mal qu’il voulaient nous faire. Toutes les paroisses de Paris battent le tocsin ; trois cent mille hommes s’arment, on choisit un conseil permanent qui dirige toutes les opérations, on s’empare de toute l’artillerie des Invalides, on assiège la Bastille, ce fort qu’on regardait comme imprenable et qui commendait et pouvait écraser la ville ; on le prend dans une nuit, le 14 juillet, ontue le gouverneur ainsi que le prévôt des marchands, on barricade les rues, enfin on ne néglige rien pour se mettre en état de défense

Acette nouvelle, toutes les provinces députent à Paris pour voler à son secours ; on regarde la guerre civile comme inévitable. Mais le Roi épouvanté de livre à l’Assemblée Nationale, qui députe à Paris por l’informer de cette démarche ; Paris demande le Roi ; là, on lui demande le renvoi du camp de Versailles, l’exil des ennemis de la nation, le rappel de M Necker et amistie tout le passé. Le Roi accorde tout. Alors, vive le Roi !que l’on reconduit à Versailles au bruit du canon, et tout rentre dans l‘ordre

Huit jours après, le 22 juillet, il se répand une alarme universelle, et dans le même temps, par tout le royaume. Partout on annonce des soldats, des brigands, qui mettent tout à feu et à sang, partout on croit voir les ennemis, alors on perd la tête ; on sonne le tocsin ; les femmes, les enfants pleurent, se sauvant, remplissant les églises et demandent à se confesser ; les hommes s’arment de ce qui se présente à leur main et courent sans savoir ni ou sont les prétendus ennemis, er s’il sont en état de les combattre. Les uns disent que quinze mille hommes ont saccgé Le Mans, et qu’ils viennent ; à d’autres qu’ils sont à Chassillé, Poillé, Chevillé, etc.., arrivent ici, croyant Brûlon, la proie de l’ennemi, c’est ainsi qu’en même temps, à peu près dans tout le royaume on s’est alarmé et épouvanté inutilement, grâce à Dieu. Le Mans, Laval, et les autres villes ont eu les mêmes terreurs paniques, et on est venu de toutes parts à leurs secours. Enfin on ne finirait point si l’on voulait entrer dans tous les détails des troubles et agitations qui ont régné pendant huit jours dans toute la France. Mais d’ou vient cette fausse alarme ? Qui y a donné lieu ? C’est encore un problème : ls uns disent que l’Assemblée Nationale en est l’auteur, pour faire connaître aux ennemis de la nouvelle constitution qu’ils auraient toute la France à combattre. Quoiqu’il en soit ; il en est résulté une humeur martiale qui a rehaussé le courage de tous les Français ; au point qu’à l’exemple de Paris, tout le monde a pris la cocarde comme le signal de l’esprit patriotique. Il n’yaurait pas eu de sureté de ne pas suivre l’exemple. Les prêtres mêmes ont été obligés de la mettre sur leur bras gauche ; j’ai encore la mienne. On n’en est pas resté là, dans toutes les villes et bourgs ont a levé des milices bourgeoises qu’on appelle présentement garde nationale, qui ont monté la garde jour et nuit et continuent encore en plusieurs endroits, et qui sont toujours prêtes à se rallier au premier signe.

Enfin, la France est comme un grand camp qui a presque autant de soldats que de citoyens. Tel est l’état de la France aujourd’hui, et il faudrait faire une boucherie de tous les Français, si l’on voulait faire contre –révolution, et remettre les choses sur l’ancien pied. Il ne faut rien moins qu’une pareille disposition pour arrêter la fureur de tous les antropophages qui s’engraissent du sang du malheureux et qui enragent de voir qu’on leur arrache leur proie. Ils trament par sous mains, et il n’est ruses, ressorts et moyens plus iniques qu’ils auraient mis et qu’ils mettent en usage pour parvenir à leur but.

C’est ce que l’on découvrira plus tard et ce que l’histoire transmettra à la postérité. On y verra les accaperements du blé par lesquels ils ont mis la famine en toute la France, quoiqu’il y eût du blé pour dixhuit mois. On verra des libelles répandus parmi le peuple pour le tromper et le porter à la révolte. A la vérité, une partie ont pris la fuite, et ils ont bien fait ; mais il y a encore grand nombre dont on se défie avec raison. Dieu daigne dissiper leurs desseins et amener la France à une heureuse régération. C’est dans ce but que le 26 juillet, j’annonçai que pendant trois lundis il y aurait une messe solennelle précédée du Miserere, du Veni Creator et suivie du Te Deum pour la conservation, réformation et pacification du royaume.

Depuis le commencement de l’Assemblée Nationale, par tout le royaume nous disons une oraison aux messes et donnons la bénédiction à vêpres de tous les dimanches. Plaise à Dieu de nous exaucer

J’oubliais que le sel qui valait 13 sols 4 deniers la livre ne valait plus qu’un sol ; tout le peuple secoue le joug de la gabelle. On commence à en faire autant avec le tabac

Le 2 janvier 1790. Signé : Beucher, curé de Brûlon

1791

Nos députés de l’Assemblée Nationale se hâtent lentement, entourés de gens qui appaludissent à leurs opérations, et d gens qui les censurent selon l’intérêt qui les possède ; insensibles à l’opinion, ils travaillent intafigablement à terminer la grande entreprise qu’ils ont commencée. Ils ont tout détruit. , ils ont tout à rebâtir. L’ordre de la finance, celui de la justice, des ministres, des armées tant navales que de terre, enfin du clergé, tout a disparu, et peu à peu un nouvel ordre reparaît. On ne doit pas être surpris, si dans un semblable bouleversement, il y a des mécontents . Aussi comme presque tous ont perdu leur état, presque tous murmurent, se plaignent et maudissent les auteursde leur infortune. Je pourrais placer ici le plan du nouvel édifice que l’on élève sur les débris de l’ancienne masure. Plus de noblesse héréditaire, plus de duc, marquis,, égalité, liberté, voilà la devise. Aussi les bancs des ci-devants seigneurs de paroisse ont été enlevés des chœurs des églises, leurs ceintures avec leurs armoiries qui entouraient nos temples ont été effacés ; défense de leur donner ni encens ni eau bénite par leur distinction. Plus d’ordres religieux ; nouvelle constitution du clergé : un évêque par département ; les paroisses réduites ; les chapitres supprimés ; les évêques nommés par les électeurs des départements, et les curés par ceux du districts

Il a été décrété que tous les fonctionnaires publics comme évêques, curés et vicaires prêteraient le serment pur et simple : de veiller sur les fidèles confiés à leues soins, d’être fidèles à la nation, à la loi et au Roi, de maintenir la constitution décrétée par l’Assemblée et sanctionnée par le Roi

Ceux qui refuseront ledit serment ou qui le feront avec réserve, soit de la religion, soit du consentement de l’Eglise, seront déchus par le seul fait de leurs places, et sans autre forme de procès, on en nommera d’autres. Ainsi tous les évêques, excepté n’ayant voulu faire le serment qu’avec restriction, on a nommé d’autres évêques qu’on leur a substitués. Le plus grand nombre des curés et vicaires ayant suivi l’exemple de leurs évêques, on va procéder à les traiter de même

Mon frère et moi nous n’avons prêté le serment que conditionnellement ainsi que notre évêque, aussi nous attendons à être chassés. La France ecclésiastiques est présentement dans un état qui fait trembler. Tout le monde attend avec frayeur le dénouement de cette catastrophe. Les évêques supprimés excommunient comme intrus ceux qui les remplacent. On attend la décision du Pape ; les peuples gémissent et pleurent à la vue du Schisme et de l’extinction de la religion en France. Déjà plusieurs veulent se soulever, et il y a tout lieu de craindre une guerre civile ; je n’ai cessé et ne cesserai de les exhorter à conserver la paix, et à prier le Seigneurde rendre la paix à son Eglise. Les chrétiens savent souffrir, mais ils ne savent point se venger. Quelque chose qui arrive, je n’abandonnerai mon troupeau qu’à la mort. L’on nous offre de nous loger et de fournir à nos besoins. Si nous sommes contraints de quitter le pays, nous leurs donnerons de vive voix avant de partir, et ensuite, par écrit, les avis et le plan de vie qu’ils auront à suivre. Que la volonté de Dieu soit faite. J’ai toujours été et je suis partisan de la révolution, parce que j’ai toujours été ennemi des abus ; mais la conscience m’est plus chère que tous les trésors de l’univers. La formule de mon sermenr et de celui de mon frère qui est le même est transcrite sur les registres de la municipalité, elle ferafoi à mes successeurs de mes sentiments. J’en ai copie que je vais relater ici :

Déclaration de maître Etienne Beucher, curé de Br^lon, à la commune dudit Brûlon, touchant le serment cvique. L’Assemblée Nationale ayant décrété que tout prêtre fonctionnaire jurera qu’il veillera avec soin sur les fidèles qui lui seront confiés, qu’il sera fidèle à la Nation, à la loi et au Roi, et qu’il maintiendra de tout son pouvoir la constitution décrétée par ladite Assemblée et sanctionnée par le Roi, je, curé de Brûlon soussigné, etant sommé de prêter leserment ci dessus énoncé, déclare que je jure et proteste à la face des autels de veiller avec tout le soin possible sur les fidèles confiés à mes soins ; et en cela je ne fais ne ratifier ce que j’ai déjà promis lorsque j’ai pris possession de ma curé, et ce que je me ferai toujours un devoir insdispensable d’observer jusqu’à mon dernier souffle de ma vie.

Je jure d’être fidèle à la nation, à la loi et au Roi. C’est ce que j’ai toujours prêché à mes ouailles et je serais indigne non –seulement de ma place, mais d’être citoyen, si je pensais ou j’agissais autrement. Enfin, je jure de maintenir de tout mon pouvoir la constitution décrétée par l’Assemblée Nationale et sanctionnée par le Roi, qui appartient à l’ordre civil et politique ; mais je déclare en même temps que j’excepte de mon serment toutes les lois qui appartiennent à l’odre purement spirituel et que j’attendrai pour m’y soumettre que l’Eglise ait prononcé. En cela je rends à Dieu ce qui appartient à Dieu et à César ce qui appartient à César, selon le précepte de Jésus Christ, mon souverain maître. Savoir : dans l’ordre de la religion, d’être toujours inséparablement uni et et soumis à l’Eglise, et, dans l’ordre civil, d’observer et de faire observer toutes les lis de l’Etat. Si d’après cette déclaration dictée uniquement par le témoignage de ma conscience après avoir plusieurs fois imploré les lumières de l’Esprit –Saint, l’on me prive de l’honorable qualité de citoyen actif, et même la place que j’occupe dans la hiérarchie écclésiastique , je me soumets à tout événement, me trouvant heureux de prouver à Dieu et aux hommes mon attachement et mes devoirs de sacrifice, de mon état et même de ma vie, s’il le faut. Audit Brûlon, à l’issue de la messe paroissiale, le 23 janvier 1791. Signé : Beucher, curé de Brûlon

Je, Joseph Beucher, vicaire de Brûlon, soussigné, adopte en tous ses points la présente déclaration et déclare qu’elle est entièrement conforme à mes sentiments. Signé : Beucher, vicaire

Enfin l’affaire est terminée, M Gillot, vicaire de Saint Benoit, au Mans, a été élu pour être curé de Brûlon, le jour de saint Jean . Il est arrivé sur les sept heures du soir comme il entrait par le portail, je sortais par la petite porte avec ceux qui m’avaient aidé à enlever le reste de mes meubles, et le dimanche suivant du présent mois, il a pris possession. Je suis avec mon frère logé en deux chambres de la maison de ‘hôpital, ou nous serons tant qu’on voudra nous y souffrir. Le 29, la municipalité, à la requête de M Gillot, nous a signifié de faire aucune fonction publique et de dire nos messes sans les sonner. Dieu soit loué !Le vingt neuf juin mil sept cent quatre vingt onze. Signé : Beucher, curé de Brûlon


Saisie : Christiane BIDAULT

Dernière modification : 14 Janvier 2012

 

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