Charlotte LEJEUNE dite LYSESCharlotte Lejeune (1877-1954), actrice et comédienne sous le nom de scène de Charlotte Lysès, est surtout, connue pour avoir été la maîtresse de Lucien Guitry (1860-1925), acteur réputé? avant de devenir la première des cinq épouses de Sacha Guitry (1885-1957), fils de ce dernier, et l'un des plus grands auteurs de théâtre français du XXè siècle ! L'origine de la famille paternelle de Charlotte était essentiellement percheronne et centrée sur la ville de Nogent-le-Rotrou. Marin Lejeune, le premier connu de la lignée, habitait vers 1640 le village de Bretoncelles (Orne), à quelques encablures de Nogent. Son petit-fils, Léonard Lejeune était dit laboureur à son mariage en 1723 à Saint-Victor-de-Buthon. Aux générations suivantes vont se succéder Julien Lejeune (1739-1795), et Louis-Julien Lejeune (1771-1810), tous deux charpentiers, puis Jean-Louis Lejeune (1799-1872), tailleur de pierre, maçon et aubergiste à Nogent-le-Rotrou. Le grand-père de Charlotte, Auguste-François Lejeune, né à Nogent, rue des Prés, en 1831, monta à Paris s'établir fabricant de fleurs artificielles, rue du Herder (alors fameuse pour ses maisons closes !). Il y épousa, en 1850, Aimée Iffla, une jeune fille de 17 ans, d'origine juive de la communauté marrane (du nom des descendants des israélites expulsés du Portugal en 1492), native de Bordeaux, également fleuriste dans la capitale, 16 rue Sainte-Barbe. Aimée était la s?ur de Daniel Iffla (1825-1907), dit Osiris, véritable génie de la finance et célèbre mécène, amateur d'art, qui laissera à sa disparition, la somme colossale de cinquante millions or léguée pour la majeure partie à l'Institut Pasteur. Du couple Lejeune-Iffla naquit le 11 avril 1851 à Nogent-le-Rotrou, au lieu des Deux Amis, domicile de l'aïeul paternel, le petit Charles-Auguste Lejeune, que son père abandonnera dès la naissance pour s'enfuir en Espagne. Aimée Iffla en mourut de chagrin en 1855, à 22 ans, laissant son enfant quasiment orphelin. Charles (c'était son prénom usuel), courtier en banque de profession, épousa en 1876, sur un coup de tête, Berthe Poitreau, qui lui donna une fille, Charlotte Augustine Hortense, née à Paris le 17 mai 1877. Mais le couple allait rapidement se désunir : dès l'année suivante Charles quittait la France, pour la Suisse, emmenant la petite Charlotte avec lui. Après un passage par Bruxelles, dont sa santé ne supportait pas le climat, il sollicita « l'oncle Osiris », qui lui prêta l'une de ses nombreuses propriétés à Arcachon, la villa « Laure-Raoul ». Il y devint quelque temps professeur de violoncelle, avant de décéder prématurément en 1888 à 37 ans. Revenue à Paris, Charlotte reprit contact avec sa mère qui ne lui avait jamais marqué d'affection et la plaça dans un couvent pour orphelines à Puteaux. Elle y resta huit années, jusqu'en 1896. Les dimanches, pendant cette longue période, furent agrémentés par des visites chez sa cousine, Emma Moyse (1862-1934), mariée en 1879 au banquier Sigismond Bardac, juif venu de Russie, amis de Gabriel Fauré, Ravel et Debussy, avec lesquels Charlotte put faire connaissance? En 1896, la jeune femme rompit définitivement avec sa mère, puis s'installa à Meudon-Bellevue, et se lia intimement avec les écrivains Tristan Bernard (1866-1947) et Maurice Donnay (1859-1945), «tous les deux jeunes encore et déjà glorieux », pour lesquels Charlotte, « manifesta certaines bontés ». C'est d'ailleurs à Donnay qu'elle devra son pseudonyme de comédienne : Lejeune apparaissant trop banal, Maurice qui avait publié des articles et un livre sous le nom de « Lysis » lui proposa de s'appeler « Lysès »? Nanti de ce nom de scène, elle obtint, durant l'hiver 1902-1903, grâce à ses protecteurs, une audition devant Lucien Guitry, le tout-puissant directeur du théâtre de la Renaissance. Charlotte était fine et cultivée. Le père de Guitry en fit aussitôt sa maîtresse? mais ne lui accorda qu'un tout petit rôle, deux ou trois phrases seulement dans une pièce. Vexée d'une si maigre récompense, elle rencontra un soir au théâtre le second fils de son directeur : « Sacha rougit aussitôt devant les ?illades assassines de cette jolie fille, autoritaire et envahissante, qui à huit ans de plus que lui, une grande culture, beaucoup d'esprit, et qui n'est pas mécontente de jouer un tour à sa façon à son tyran de patron? Un grand amour était né ». Ayant découvert cette idylle naissante, Lucien entra dans une rage folle : il vira Charlotte de son théâtre, et se brouilla avec son fils treize années durant Les historiens du théâtre reconnaissent toutefois l'influence bénéfique qu'exerça Charlotte sur Sacha Guitry : « le poussant devant sa table de travail, le dégageant de toute contingence administrative?, elle fut en quelque sorte son agent artistique ». A ses côtés, Sacha écrivit une vingtaine de pièces, ses premières. Le couple passa devant Monsieur le maire d'Honfleur le 14 août 1907 pour une raison pratique : Sacha voulait servir la France à Paris, privilège réservé aux jeunes mariés qui seuls pouvaient exercer leur service national dans un régiment de leur lieu de résidence? La suite est connue. La gloire de Sacha grandissant, les relations se tendirent entre l'auteur-acteur adulé par les foules et son épouse. Une jeune comédienne-chanteuse-danseuse de 19 ans, Yvonne Printemps (que Charlotte avait présentée à son mari en 1913 ! ) allait subjuguer Sacha, tombé totalement sous le charme? Charlotte comprit la situation : elle partit sans avoir été congédiée, en 1917, et le divorce fut prononcé le 17 juillet 1918. La carrière de Charlotte Lysès se poursuivra néanmoins, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, avec des fortunes diverses. Elle joua au théâtre : « Les chevaux de bois » en 1922, « Ce que femme veut » en 1944, écrivit une dizaine de pièces, dont seule « Coucou » fut jouée à la Potinière en 1930, et apparut au cinéma dans 24 films (aucun chef-d'?uvre malheureusement), « qui conservent d'elle l'image d'une grande femme vieillissante et autoritaire, très proche physiquement de son amie Marguerite Moreno ». Agée, démoralisée, tombée dans la misère, elle se retira à Saint-Jean-Cap-Ferrat où ses généreux amis Foye l'hébergèrent dans leur villa « Philippine » jusqu'à sa mort survenue le 7 avril 1956 à 79 ans. Raymond Herment, un notaire de Nice, qui a utilisé les papiers de la comédienne pour écrire sa biographie en 1958, rapporte cette ultime anecdote : (?) La souffrance avait aigri Charlotte et l'avait rendue injuste. Cela n'enlève rien au talent de l'admirable comédienne, ni à sa gloire méritée. Et le geste final, devant les yeux fermés et la voix désormais éteinte de la morte, honore celui qui fut le plus grand auteur-acteur du XXè siècle ». Sources : Ascendance de Charlotte Augustine Hortense LEJEUNE0001 LEJEUNE Charlotte Augustine Hortense, alias Charlotte LYSÈS, o 17/05/1877 Paris 8è, + 06/04/1954 Saint-Jean-Cap-Ferrat (06), Saisie : Christian LEGER Dernière modification : 30 Juin 2020 |