Histoire des communes - Fiche personnalité

Personnalité

  • Yves Marie René Etienne de COLLEVILLE

  • Naissance : 1884

  • Décès : 1915

  • Profession : propriétaire, camérier secret de cape et d'Epée du pape Pie X, Commendeur de l'ordre insigne du Saint-Sépulcre, décoré de la médaille militaire et de la Croix de Guerre

  • 1 conjoint

  • 1 activité


Yves Marie René Etienne de COLLEVILLE

 

Lors de ses études, au petit séminaire de Notre-Dame-des-Champs, il fait la connaissance de Georges BERNANOS son cadet de 4 ans. Au fil des ans que ce soit au collège, à la faculté, durant les vacances à Fressin, ou dans les rangs des "camelots du roi", leur amitié devint de plus en plus profonde et fraternelle.

Son père, le Comte Ludovic de COLLEVILLE et son grand-père Ferdinand de COLLEVILLE, étaient aussi camériers du Pape. Ce dernier mourût à 86 ans après avoir servi trois papes.

A la mort de son grand-père, le Pape Pie X veut qu'Yves remplace le vieux serviteur pontifical, et comme le majordome objecte l'extrême jeunesse du
candidat, le pape répond :
- le grand-père était le plus vieux de mes serviteurs, celui-là sera le plus jeune, voilà tout.

Très instruit et ayant une grande facilité de parole, Yves aurait pu occuper d'importantes situations politiques ou diplomatiques. Ses opinions politiques et religieuses, très nettes, s'y opposèrent. D'abord représentant de Mgr le duc d'Orléans dans le 5e arrondissement de Paris, il donna par la suite sa démission et ne s'occupa plus, dès lors, que de questions religieuses.

Réformé en 1908, après quelques mois passés sous les drapeaux, il se maria le 24 juillet 1909. De son union devaient naître trois enfants qu'il élevait dans les plus grands sentiments de piété.

Retiré dans son château de la Chauverie, il vivait loin du monde, sans aucune ambition, mais avec le regret de ne pouvoir se donner aux idées directrices de sa vie.

Lorsque survint la guerre de 1914, Yves de COLLEVILLE, bien qu'appartenant au service auxiliaire et n'ayant pas servi, s'engagea dès les premières hostilités pour la durée de la guerre, et le lendemain de son engagement, sans avoir fait de classes, il trouvait le moyen de partir sur le front avec le lieutenant de VIEILCASTEL, comme attaché à l'escorte du Général Pau.

Successivement attaché au Général BATAILLE, qui fut tué près de lui, au Général TOUTEE, qui fut grièvement blessé, il se trouvait en dernier lieu auprès du Général PUTZ, fixé à Gérardmer. Il demanda à aller à l'extrême front et fut envoyé à Thann, en Alsace, ou il prit part à tous les combats pendant l'hiver de 1914.

Non content de s'être exposé au cours de ses terribles combats, Yves de COLLEVILLE, se porta peu après volontaire pour une mission particulièrement périlleuse, à l'extrême limite des positions ennemies. Il fut tué le 17 janvier 1915 alors qu'il rédigeait la lettre ci-dessous.

Lettre du 17 janvier, 2 heures

"Ma Chère Maman,

Je t'écris de Vieux-Thann où on m'a envoyé avec deux camarades former un poste. Nous devons porter des ordres qui viendront pour la montagne et la fameuse cote 125.

Nous sommes dans une usine. Nos chevaux sont tous cellés, prêts à partir - et nous attendons - nous ! ... moi plutôt, les autres sont dans la cave.

Les Boches viennent de commencer le bombardement de Vieux-Thann.

Tout à côté de nos bureaux, se trouve le bureau du chef de l'usine. C'est là que je me suis installé. Il y a un fauteuil confortable et de quoi écrire. Le seul défaut est que tout est vitré et que j'y risque d'être tué. Mais il faut bien, n'est-ce-pas, que quelqu'un soit là pour porter les ordres ! Puisque les autres sont dans la cave, il faut bien que ce soit moi. Sans doute je n'y suis pas obligé. Mais qui porterait les ordres, si tous se cachaient ? Donc je suis là sous le verre, et, au son de la mitraille, je vous écris. J'y trouve un très grand plaisir.

Il faut savoir que l'on entend venir les obus d'assez loin. On a bien 5 à 6 secondes pour se cacher ; mais où se cacher dans un bureau tout en verre ? Je ne me cache donc pas et j'écris.

Mes chers tous je vous aime et je n'ai jamais aimé que vous. J'entends l'obus qui vient, et il me plaît de continuer à vous écrire. Il est passé, il est tombé à plus de cent mètres. Si je suis tué dans mon fauteuil confortable, en attendant des ordres, dans le bureau vitré, il me plaît que ce soit en vous écrivant.

Donc, mes chers tous, je suis avec vous. Une de mes vitres vient d'être cassée par un éclat d'obus. Nos canons se mettent à répondre. La cannonade boche redouble. Les obus boches tombent tout autour. Un éclat vient encore de tomber sur le toit. Je voudrais bien connaître Arlette. Si je reviens à Thann, il faudra m'écrire souvent de longues lettres. Nos 155 se mettent de la partie. Je les entends qui grondent férocement. Les obus tombent maintenant sur nous avec une rapidité extraordinaire. A voir les dégâts qu'ils font se sont sûrement de grosses marmites.

Ma chère Marie soigne bien nos petits tant que je ne serai pas là, aime-les pour nous deux. Je te confie mes parents; aime-les bien.

Maman, je te confie Marie et les petits. Cela se calme ! Non, ça continue. Je vois à 300 mètres, des sapins qui sautent la racine en l'air.

Je n'ai plus qu'un petit bout de papier. Il faut garder de la place pour vous dire comment cela finira.

J'allume une pipe et j'attends. Nos 75 répondent par batteries !

Je continue ma pipe !...

La lettre s'arrête là. C'est à son bureau que Yves de COLLEVILLE a été tué par un obus.

(Source : Georges Bernanos - à la merci des passants par Jean Loup Bernanos et archives de Anne-Marie LEYDIER)

La comtesse de COLLEVILLE est décédée le 29/01/1972 dans le cimetière de Luigny, prêt de la tombe de son mari.


Saisie : Christiane BIDAULT

Dernière modification : 26 Octobre 2007