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Châteaudun Saint-Jean-de-la-Chaîne

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Tout Dunois demeurant au-delà du Pont St-Médard, sur la rive droite du Loir, vous dira : « Je suis de St-Jean. ». La carte de Cassini, comme les plans plus récents, nous montre en effet une paroisse « autonome » et très étendue vers le nord. La Révolution l'avait rebaptisée « Faubourg Marat » de « Dun-sur-Loir».
Des explications diverses sont données au nom de la paroisse Saint-Jean de la Chaîne – parrochia Sancti Johannis de Cathena. On avance que cette qualification est due à l'usage de tendre chaque soir une chaîne pour empêcher le passage du Loir. Mais la « chaîne » peut aussi désigner les servitudes, dont la charte octroyée à la Ville en 1197 par Louis, comte de Blois, n'avait pas affranchi les habitants du faubourg (« exceptis illis de Chamarcio »), qui dépendaient de l'abbaye de Marmoutier.

Passé le pont qui franchit le premier bras du Loir , on entre dans l'île de Chemars. Elle tire son nom d'un terrain où l'on s'exerçait jadis au métier des armes, un « Champ de Mars », Campus Martis. Là fut fondé par Eudes 1er, comte de Tours et de Blois, à la fin du Xème siècle, un prieuré de Marmoutier, sous le vocable de Saint Martin (1). On connaît le nom de quelques prieurs : Estienne de Renoncet, décédé en 1416, Bertrand Berthelot, son successeur; Jacques de Brion, au début du XVIème siècle, Jean Phelippeaux vers 1538 (2) , Messire Jacques Le Brect (3), chanoine de Saint-André, vers 1575-1586. En 1774, le prieur commendataire est un prêtre de l’église cathédrale de Fréjus. Le prieuré fut supprimé à la Révolution et la chapelle, qui empiétait sur la voie publique, frappée d'alignement au cours du XIXème siècle. Il n'en reste aujourd'hui aucun vestige (4). Il est arrivé exceptionnellement que des mariages y soient célébrés : celui de la chambrière du prieur, le jour de la St-Vincent 1583 (22 janvier), parce qu'une crue du Loir empêchait d'accéder à l'église paroissiale ; celui de Jacques JAVELLE, hôtelier de Saint-Martin, en janvier 1637, cérémonie qui se fit « en présence de plusieurs honnestes gens »...

Du prieuré dépendait une « boucherie » - on dirait aujourd'hui un abattoir ; vers la fin du XVIème siècle, Guillaume THIBOUST, Guillaume ROUSSELET, Catherin BEAUREPERE, Christophle COSTé sont bouchers de Chemars. On trouvait encore sur l'île une hôtellerie « à l'Ymage St-Martin, près le pont de Chemars », deux moulins, Chollet et le Moulin à tan, des jardins d'agrément et des cultures maraîchères.

Chemars avait son maire : Michel DUBOIS en 1580-1585, Pierre DEVAULDIEU en 1592 Guillaume LEFEVRE (1614-1625...), ses sergents, un greffier du prieuré, un receveur du revenu temporel, un « verdier » des bois de Saint-Martin... Tous ces gens apparaissent dans les registres paroissiaux de Saint-Jean de la Chaîne.

Au-delà du deuxième pont, on entre dans le faubourg Saint-Jean proprement dit, au carrefour de la route de Brou et de la route des Abrès, qui longe le Loir, passe devant l'ancienne métairie de Saint-Martin et mène à Saint-Denis les Ponts. En 1584, le métayer de Saint-Martin est Michel MALESCOT, « homme de bien », qui trépasse en « fidelle chrestien ». Le lundi de Pâques 1625, Jacques CHAVIGNY, métayer, est assassiné par des brigands qui s'étaient introduits chez lui pendant qu'il assistait aux vêpres.

La rue St-Jean, entre le carrefour et l'église, était le quartier des artisans. Un chemin vers l'est mène aux « Gâts », couverts autrefois de vignes et aujourd'hui centre aéré de Châteaudun. Le « livre de raison » tenu au 18ème siècle par un vigneron des Gâts nommé Jean YVON (né à St-Jean en 1701) est parvenu jusqu'à nous et nous apprend maint détail intéressant sur la vie, le travail, les usages des paroissiens de St-Jean et sur leurs curés.

Le centre de la paroisse, son coeur, c'est l'église, massive et imposante. D'après la légende, la fondation en remonte à saint Aventin (mort vers 528), qui l'a placée sous le vocable du saint patron de son père, Jean, Comte de Dunois. On y accède par une volée de marches menant au beau portail Renaissance de l'ancien cimetière.
Parmi les curés de Saint-Jean, il faut mentionner spécialement Jean BROSSET (1581-1613), qui nous régale de détails pittoresques dans les actes de mariage ou de sépulture (l'occasion s'y prête moins pour les baptêmes). Jean BROSSET décerne ainsi des éloges ou des blâmes aux défunts : « homme de bien », « femme d'honneur », « grand ivrogne », « grand blasphémateur quand il avait bu ».... Il s'attarde avec lyrisme sur la mort tragique d'une jeune femme (Barbe GOUPIL, 1587) : « O le grand dommage ! O le cruel accident ! O la lamentable et sinistre advenue ! ». Il met en doute la parole de telle paroissienne : « veuve comme elle dit... ».
Deux siècles plus tard, le nom d'un autre curé (1732?-1744) surprend, dans cette paroisse rurale : celui de Messire Théodard de SUC de SAINT-AFFRIQUE, issu d'une grande famille de l'Albigeois.(5)

A Saint-Jean, on rencontre peu de « licenciés ès lois », mais, outre les laboureurs, les hommes de peine, les meuniers et les vignerons, quelques marchands et artisans – boulangers, vinaigriers, cordonniers, bourreliers, charrons, charpentiers, tonneliers, filassiers, texiers... Les auberges de la paroisse étaient à l'enseigne du Lyon d'Or, des Trois Croissants, de la Pie, de l'Ymage Notre-Dame, de l'Ymage Saint-Pierre, du Plat d'Etain...

Quand on quitte le faubourg en direction de Brou, on voit successivement indiqués, sur la gauche, les hameaux de la Malassise (« Fondation Bordas »), du Journay et de Crépainville et, sur la droite celui de Châtenay.
Crépainville, limitrophe de Saint-Lubin d'Isigny (aujourd'hui rattaché à Logron) et Châtenay, voisin de Marboué, sont de gros villages ruraux. A l'époque des premiers registres paroissiaux de Saint-Jean (1550- ), Robert de GRATEMESNIL et Jeanne de DICQUEBEUF, puis leur fils Pierre et ses deux épouses successives, Rachel de JOHAN et Rachel d'ERGNOUST, étaient seigneurs de Crépainville. Huguenots, ils faisaient baptiser leurs enfants tantôt à Saint-Jean, tantôt à l'église réformée. Un des fils de Robert, Antoine de GRATEMESNIL, « frappé d'un coup d'épée comme il était dedans Ponts (6) » le 10 juillet 1612, « rend son âme à Dieu » onze jours plus tard, et il est « ensépulturé en nostre église de S Jehan » (7). Mais son frère Pierre, mort à son lieu de Crépainville, sera inhumé en 1627 « au cimetière de ceux de la Religion ». (8). Les familles de Crépainville étaient alors les GALERNE, FOISIL (une métairie portait leur nom), CHAVIGNY, MALESCOT, GAUDIN, POULAIN...
A Châtenay demeuraient une autre branche de GALERNE et les LEAL, HERMELINE, HURON, BRICHON... Au Journay, MICHAU, NEPVEU, POULAIN dit Fillo …

Le faubourg Saint-Jean a gardé ses particularités, sans doute héritées de son exclusion des franchises accordées au reste de la Ville. Une de ces particularités actuelles est la fête de la Rosière de Saint-Jean, fondée par testament par une dame BOUTROU (décédée à Chartres en 1888) : une jeune fille de St-Jean est choisie chaque année pour ses mérites et sa vertu. La fête, le dernier dimanche de juillet, attire toujours la foule. La jeune fille est solennellement couronnée par le maire au balcon de l'Hôtel de Ville puis conduite en cortège par lui jusqu'à l'église St-Jean, où une messe est célébrée. En 2014, la rosière n'était pas de religion catholique, mais une cérémonie adaptée aux circonstances a malgré tout eu lieu à l'église, conformément à la tradition.
M.L.

1 - AD 28 H 2264-2301
2 - AD 28 E 2714, 2814 ; H 2264
3 - R.P. St-Jean
4 - Une aquarelle de Chapotay (1788) : « Vue de la Ville de Châteaudun depuis le Mail » nous en conserve le souvenir. (Musée de Châteaudun)
5 - Né en 1707 à St-Affrique. Son frère Anthoine, né en 1708 au même lieu, est « chanoine de l'église cathédrale de Chartres et ancien abbé commendataire de l'abbaye de Valbonne » en 1775 (cf Mariage de Jean Joseph Augustin de Suc de St-Affrique à Ste-Foy de Chartres)
6 - St-Denis les Ponts
7 - R.P. de St-Jean
8 - Registre de l'Eglise réformée du bailliage de Dunois


Saisie : Jean Pierre HEDERER

Dernière modification : 5 Mars 2015

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