Histoire des communes

Mâle : Abbaye des Clairets

Lieu-dit Les Clairets
Voir aussi :
Construction 1212
 

A 5 kilomètres sud-ouest de Nogent-le-Rotrou, sur le territoire de la commune de Mâle, aux confins de celle de Souancé, s'élevait l'abbaye royale des Clairets. Fondée en 1204 par Mathilde de Brunswick, veuve de Geoffroy, comte du Perche, elle fut détruite à la Révolution. Elle faisait alors partie du Diocèse de Chartres et son influence s'exerçait sur toutes les paroisses environnantes. Deux de ses institutions ont trait à notre sujet : son pensionnat et sa babillerie.

Le pensionnat

Le pensionnat des Clairets fut fondé à la fin du XVIe ou au début du XVIIe par Marie de Thin, 27e abbesse, qui a mérité avec juste raison le titre de réformatrice.

Cédant aux sollicitations pressantes et aux voeux ardents des familles, elle établit dans son monastère une école où étaient exclusivement admises les filles de gentilshommes des environs ; les garçons étaient élevées à l'école militaire de Thiron.

Cette savante abbesse s'efforçait de réunir autour d'elle un personnel d'élite afin de donner à ses pensionnaires une éducation complète, en rapport avec leur naissance et la position qui les attendait dans le monde.

Jamais le couvent, n'a été plus en honneur qu'à cette époque. Il était le premier et le dernier asile : "c'est là qu'on commençait à vivre et qu'on s'exerçait à mourir".

Hors de la famille, les ressources locales d'instruction manquaient. La nécessité comme d'habitude faisait un devoir d'envoyer la fille au couvent.

L'instruction prospérait depuis un siècle et demi lorsqu'en 1768 l'école fut fermée et les élèves rendues à leurs familles. Le nombre insuffisant des religieuses et les besoins de la maison ne permettant pas d'en attacher plus de trois au service du pensionnat, avaient forcé Hélène de Portebise, abbesse de 1764 à 1780, à prendre cette grave détermination.

Notre abbesse avait bien d'autres préoccupations : son abbaye était en pleine révolte. Les religieuses, ses filles, comme elle les appelle, conduites par deux ou trois mutines, conspiraient ouvertement contre elle et l'accusaient des plus graves noirceurs.

Le renvoi des pensionnaires fut un grief de plus à ajouter à ceux qui lui étaient reprochés. Cette mesure, disaient les révoltés, nous prive de la présence de jeunes filles bien élevées et du commerce des gens de bien (les parents, sans doute, ou leurs représentants), secours spirituels qu'on ne rencontre pas habituellement dans un cloître. Ces doléances furent-elles écoutées ? Oui, sans doute, car l'abbaye ne tarda pas à ouvrir de nouveau ses portes à ses jeunes élèves. La Révolution les y trouva.

En 1790, époque de la suppression de sa maison, Mme de Villeneuve, dernière abbesse, déclare à la municipalité de Mâle se retirer à Toulon et emmener avec elle une de ses jeunes parentes, élève des Clairets.

Quel était le régime intérieur de cette école, son programme et son règlement ? Nous n'avons rien trouvé sur ce sujet.

D'ailleurs, ces renseignements nous les avons. M. Gréard n'a-t-il pas écrit dans son rapport sur l'enseignement secondaire des jeunes filles ce qu'étaient les moyens éducatifs des couvents d'alors.

Nul doute que le règlement pour les enfants de Port-Royal, composé par soeur Sainte-Euphémie (Jacqueline Pascal) en 1657 et imprimé en 1663, ne fut appliqué dans toute sa rigueur. Et notre opinion est corroborée par ce fait qu'au XVIIe siècle, l'abbaye avait pour directeur le prieur de Perseigne fortement entiché de Jansénisme.

Le pensionnat était dans l'enceinte du monastère. Non loin de là, sur le point culminant du coteau, s'élevait l'Hospitalité où étaient hébergés les parents des élèves et les personnes de marque qui visitaient l'abbaye. C'est la petite maison de campagne, connue aujourd'hui sous le nom de "Bellevue".

La babillerie

Dans ces temps de misère noire et d'ignorance profonde, où les moeurs quoi qu'on dise, étaient moins sévères que de nos jours, dans nos campagnes surtout, l'abandon des enfants était fréquent. La malheureuse mère, qui en était réduite à commettre cet acte criminel, choisissait de préférence la porte d'un couvent où elle savait d'avance que son enfant serait recueilli et élevé avec soin.

Nos archives locales qui, en général, ne remontent pas au-delà du XVIIe siècle, nous ont conservé le souvenir de quelques-uns de ces faits. Nous citerons ceux qui se rapportent aux Clairets :
"Le 16 janvier 1710, fut inhumé Bernard l'inconnu, trouvé devant la porte des Clairets (registre de Souancé).

"Le samedi 27 avril 1748, a été baptisée une fille âgée d'environ huit jours, trouvée exposée à la porte de l'abbaye des Clairets, ce jourd'hui, sur les 3 heures du matin (registre des Etilleux).

"Le 22 octobre 1713, est décédée aux Brébinières, Marie Marthe, âgée d'environ 3 mois, de père et de mère inconnus, ayant été exposée à la porte de l'entrée du dehors de l'Abbaye des Clairets, à minuit, le jour de Sainte Marthe. (registre des Etilleux).

"L'an 1732, le 30 août, inhumation d'une fille âgée de 5 ans, qui a été trouvée avec une autre soeur, à la porte du couvent des Clairets, qu'on dit être de Savoie (Registre de Souancé).

Ces citations, que nous pourrions multiplier, prouvent ce que nous disions en commençant.

Les enfants ainsi adoptés par l'Abbaye étaient placés en nourrice dans la contrée. A l'âge de 2 ou 3 ans, ils étaient réunis aux orphelins (l'abbaye adoptant aussi des orphelines nées de parents légitimes, dans une ferme du domaine, distante de l'abbaye d'environ 1200 mètres.

Ainsi, au temps où Saint-Vincent de Paul, ce bienfaiteur du pauvre, organisait, avec l'aide de Mme Legras, l'oeuvre des enfants trouvés, l'abbaye des Clairets avait déjà sa babillerie, où étaient recueillis, élevés et instruits les orphelins et les enfants abandonnés (cette ferme est située sur la commune de Souancé ; elle était la propriété des héritiers de Mme Mauté-Lelasseux).

Une gouvernante laïque, secondée au besoin, par une ou plusieurs auxiliaires, étaient chargés de la garde et de l'éducation de ces enfants. C'était le genre de notre école maternelle.

En 1730, la gouvernante était Françoise Chevallier. "L'an 1730, le 5 janvier, j'ai, Jean François DELORME, vicaire de Souancé, soussigné, inhumé dans le cimetière de l'abbaye des Clairets, Françoise Chevallier, gouvernante des enfants de la Babillerie, âgée d'environ 55 ans (registre de Souancé).

Elle fut remplacée par Simone Lambert qui conserva sa charge pendant 7 ans. (Le 20 mai 1737, inhumation de Simone Lambert, âgée de 53 ans, veuve de René Aloiteau, gouvernante des petits orphelins de la Babillerie).

Dans le seconde moitié du XVIIe siècle, les orphelins quittèrent la Babillerie pour venir dans l'enceinte même de l'abbaye, occuper un appartement de la Basse-Cour.

Quelques années plus tard, Hélène de Portebise les installa dans un local plus confortable, probablement celui laissé vacant par le départ des pensionnaires.

Cette faveur exceptionnelle excita la jalousie des religieuses qui accusèrent l'abbesse de gâter ces pauvres enfants, "de les habiller magnifiquement", d'en faire "ses bijoux". A quoi, elle répond victorieusement : "Les orphelins sont entretenus par une très ancienne institution de l'abbaye et par charité, mais elles le sont avec la plus grande modestie et économie ; il est vrai, peut-être un peu plus proprement qu'elles n'étaient ci-devant, mais parce que par des raisons d'une économie sensible, elles ont été retirées dans l'intérieur de la maison et actuellement gouvernées par les soins d'une religieuse à ce destinée, au lieu que ci-devant elles avaient d'abord été élévées dans une forme particulière et par les soins de gens attachés auprès d'elles et postérieurement dans un appartement de la basse-cour de l'abbaye, auprès desquelles on avait toujours attaché des personnes pour leur entretien et éducation.

"Je n'ai donc rien fait en cette partie que retrancher des dépenses qui étaient beaucoup excédentes à celles actuelles. Si je leur témoigne quelque affection, qu'y a-t-il d'extraordinaire dans ma conduite ? Ce sont des enfants élevés sous mes yeux ; un père et une mère sont-ils blâmés de témoigner de la tendresse à leurs enfants ?".

Cette utile institution se maintint jusqu'à la suppression du monastère. Les petits orphelins durent être recueillis, alors, par l'hospice de Nogent-le-Rotrou.

Ajoutons à cette intéressante page d'histoire, que l'abbaye royale des Clairets se composait d'un nombre restreint de religieuses. Sur un traité passé par les dames religieuses en 1674 on en compte une trentaine y compris l'abbesse.

Certains laïcs pouvaient également entrer à l'abbaye, en qualité de "donat". Ils abandonnaient leurs biens à la communauté et vivaient aux frais du couvent jusqu"à leur décès.

Parmi les nombreux biens appartenant à l'abbaye, nous citerons les dîmes à percevoir sur des récoltes, dans toute la région, et plusieurs moulins, dont celui des Ruisseaux, à Nogent, appelé par la suite "les Trois-Moulins" (rue de Ruet).

De 1221 à 1790, une quarantaine d'abbesses dirigèrent cette pieuse maison, dont certaines furent enterrées dans le sol de la chapelle.

Jadis, à Nogent, l'étang qui s'étendait de la rue Giroust à Ruet appartenait à l'abbaye des Clairets et cette rue Giroust s'appelait alors rue de la Chaussée, tout simplement parce qu'elle formait la chaussée de cet étang.

Source : Rémy Fauquet d'après un cahier de F. GUILLON, instituteur à Souancé puis à Nogent-le-Rotrou

Après la révolution

L’actuel château est l’ancienne maison des chapelains.

La fuie est devenue habitation

La grange est une chapelle privée où il y a encore l’ancien reliquaire du lieu. Il porte dans les montants de la croix les reliques de 17 saints et saintes. Le portail d’entrée a été restauré au XIX° siècle.

Son maître autel a été placé dans l’église paroissiale Saint-Martin ainsi que le mobilier et la statuaire.


Saisie : Christiane BIDAULT

Dernière modification : 17 Janvier 2014