Histoire des communes

Epernon : Gare d'Epernon (Ligne Paris-Le Mans)

Rue Place de la Gare
Voir aussi :
Construction 1849
 

La construction du chemin de fer de l'Ouest, décidée par la loi du 26 juillet 1844, fut commencée à la fin même de cette année. La ligne, comprenant un parcours de 212 kilomètres, a été livrée à la circulation :

- de Paris à Chartres, le 12 juillet 1849
- de Chartres à la Loupe, le 7 juillet 1852,
- de La Loupe à Nogent-le-Rotrou, le 16 Février 1854,
- de Nogent au Mans, le 1e juin 1854.

Dans le principe elle était exploitée par l'Etat ; mais en vertu de la loi du 13 mai 1831, l'exploitation a été concédée pour 99 ans à la compagnie de l'Ouest par un traité du 30 juin 1851, approuvé le 16 juillet suivant.

Source : Annuaire d'Eure-et-Loir (1855)

En 1854, la ligne Paris-Le Mans dessert les gares de Versailles, Saint-Cyr, Trappes, La Verrière, L'Artoire (Commune des Essarts-le-Roi), Rambouillet, Epernon, Maintenon, Jouy, Chartres, Courville, Pontgouin, La Loupe, Bretoncelles, Condé-sur-Huisne, Nogent-le-Rotrou, Le Theil, La Ferté-Bernard, Sceaux-sur-Huisne, Connéré, Pont-de-Gennes, Saint-Mars-la-Bruyère, Yvré-l'Evêque.

La ligne de Paris à Epernon en 1849

Nous lisons dans le journal des débats :

Le chemin a été comme on sait, exécuté aux frais de l’Etat. Les travaux, qui ont coûté environ 25 millions, étaient divisés en deux sections : l’une sous la direction de M. Baude, ingénieur en chef, et de M. Aynard, ingénieur ordinaire ; la seconde sous la direction de M. de Boivillette et de M. Bouchet. Le chemin a 88 kilomètres ou 22 lieues. Il se détache de la rive gauche, à 1 000 mètres au-delà de la station de Viroflay, pour arriver par une pente de un centimètre par mètre pour 1 300 mètres de longueur à la nouvelle station de Versailles, établie près de la rue des Chantiers, à 17 kilomètres et demi de la gare de Paris.

En sortant de Versailles, on trouve un souterrain courbe de 700 mètres de rayon et de 140 mètres de long, sur lequel passe la majeure partie des conduits d’eau qui alimentent les réservoirs de Versailles ; le tracé trouve ensuite le parc de Versailles (bois de Satory), passe à 25 mètres au-dessus de la pièce d’eau des Suisses, et arrive à Saint-Cyr à 21 kilomètres du point de départ. De Saint-Cyr on gagne par un tracé un peu accidenté, les stations de Trappes (27 kilomètres), Laverrière (32 kilomètres) et Lartoire (39 kilomètres).

Rambouillet est à 47 kilomètres et demi. Il y a là une station avec un buffet.

En partant de Rambouillet, on reste encore dans la plaine sur 4 kilomètres, puis on descend par la vallée de la Quesle, dont on suit les sinuosités, et on arrive à Epernon (60 kilomètres) en traversant la rivière de Drôme. D’Epernon on passe dans le parc de Loreau, on rejoint la route nationale N°10 de Paris à Bayonne, puis on traverse, par une grande courbe, tous les bois de Maintenon, pour arriver à la gare (68 kilomètres).

Source : le Nogentais du 08/07/1849 lors de l'inauguration de la ligne Versailles Chartres.

La ligne est mise en service le 12 juillet 1849 avec l'ouverture de la voie entre la gare de Versailles-Chantiers et la gare de Chartres. Une voiture permet de joindre Gallardon situé à 11 Kms.

ACCIDENT DU 14/10/1906 EN GARE D'EPERNON

Le Petit Journal 15/10/1906

Terrible accident de chemin de fer à Epernon – Un train pris en écharpe par une machine - Douze morts – Cinquante blessés

Il s’est passé des scènes de désolation à la gare Montparnasse.
Encore un lamentable accident ! Un train allant de Chartres à Paris, un train du dimanche chargé de nombreux voyageurs, a été pris en écharpe par une locomotive, à Epernon, dans la grande banlieue de Paris. Il y a douze morts et cinquante blessés dont plusieurs grièvement atteints.
Voici la dépêche que nous avons reçue de notre correspondant :

Epernon, 14 octobre.
Un terrible accident vient de se produire à Epernon. Le train omnibus 510 parti de Chartres à 3 h 50 et se dirigeant vers Paris s’était garé pour livrer passage au rapide de Brest.
Au moment où il reprenait la voie, vers quatre heures et demie, une machine haut-le-pied, qui suivait le rapide, prit le convoi en écharpe. Quatre wagons furent broyés. Des cris de terreur, des gémissements s’élevèrent.
Dès maintenant, on compte douze morts. Quinze voyageurs sont grièvement blessés, mais on ignore le nombre exact des personnes contusionnées, que les premiers renseignements évaluent à quarante environ.
Parmi les blessés, on cite, M. Janet député du Doubs.

A PARIS

Dès la réception de cette dépêche, nous avons envoyé un de nos collaborateurs à la gare Montparnasse, où le train 510 devait arriver à 5 h 50 du soir.
La nouvelle de l’accident s’est vivement répandue et c’est, dans la foule qui attendait au débarquement parents et amis, un affolement général. On voudrait connaître les détails et surtout les noms des victimes. Ce sont des minutes d’angoisse.
On signale enfin le train ramenant les blessés. Les morts ont été déposés à Epernon et doivent y rester jusqu’à l’arrivée du parquet.
Tout le monde se précipite vers le quai. Le ministre des travaux publics est là. Il est exactement 10 h 10 quand le triste convoi entre en gare. Il n’amène pas, d’ailleurs, tous les blessés. L’un deux a été laissé aux Essarts-le-Roi : d’autres sont restés à Versailles, où le train a stoppé spécialement.
Et c’est dans la foule, augmentée par un grand nombre de curieux, une indescriptible cohue d’où s’élèvent des appels, des cris de douleur et de poignants gémissements.
Un commerçant parisien, M. Vimont, sa femme et ses deux enfants, qui se trouvent parmi les blessés ont été reconduits à leur domicile, où un de nos rédacteurs s’est immédiatement rendu.
Quatre voitures d’ambulances stationnaient encore rue de Rivoli, devant le n° 158, où demeure M. Vimont.
Une personne, amie de la famille Vimont, a bien voulu donner quelques détails à notre collaborateur :
Vous me voyez encore tout saisi, nous a-t-on dit, d’avoir vu rapporter sur des civières ces cinq personnes, qui, ce matin encore j’avais vues bien portantes !
M. et Mme Vimont étaient partis de bon matin pour Nogent-le-Roi, afin d’y passer la journée avec leurs trois enfants. La famille rentrait à Paris pour le dîner, lorsque l’accident s’est produit.
Le wagon de première, dans lequel se trouvaient M. Vimont et les siens, doit être certainement un de ceux qui ont été le plus sérieusement atteints puisque tous ceux qui l’occupaient ont été blessés.
C’est M. Léon Vimont qui a les plus graves blessures ; il a une jambe complètement déchiquetée et les os brisés apparaissent dans les plaies. Sa fille aînée, qui est âgée de dix-sept ans, a également plusieurs fractures aux jambes. Pour être moins graves, les blessures de Mme Vimont et de ses deux autres enfants n’en sont pas moins très douloureuses, et les forceront à rester alités pendant plusieurs jours.
Tous ces pauvres gens supportent avec courage et résignation les horribles souffrances qu’ils endurent.

A VERSAILLES

A Versailles, nous avons pu voir quelques voyageurs qui sont arrivés par le train de secours formé à Rambouillet pour ramener les blessés à Paris.
Je me trouvais dans un compartiment du wagon de tête du train omnibus, nous a dit un habitant de Mantes, M. Renault, qui venait de Chartres. Et c’est à cette circonstance que je dois de ne pas être blessé plus grièvement que je ne suis ! Je n’en aurais pas été quitte pour quelques contusions si je m’étais trouvé dans le wagon pris en écharpe par la locomotive. Tous les malheureux qui se trouvaient dans ce wagon ont été tués ou blessés !
La plupart des victimes transportées par le train de secours avaient été atteintes à la tête. Plusieurs se trouvaient dans un était si grave que des médecins de Versailles ont dû monter dans le train pour leur procurer des soins durant le trajet de Versailles à Paris.

Note de la compagnie

La compagnie des chemins de fer de l’Ouest nous communique la note suivante :
Vers cinq heures du soir, le train 510, qui avait été garé à Epernon pour laisser passer un train rapide, a été pris en écharpe, en sortant du garage, par une machine isolée.
On a à déplorer neuf morts et dix-sept blessés, dont deux très grièvement.
De nombreux voyageurs, ont été en outre contusionnés.
Un premier train ramenant les blessés est arrivé à la gare Montparnasse, où attendaient les médecins de la Compagnie et plusieurs voitures d’ambulances urbaines et plusieurs internes de Necker, le ministre des travaux publics et le préfet de police.
Le ministre des travaux publics accompagné du directeur de la Compagnie, est parti pour se rendre sur les lieux de l’accident.
On voit qu’au moment où a été rédigée cette note, la Compagnie ignorait la mort de trois des blessés.

Le lieu de l’accident

Epernon est une toute petite ville, qui ne compte guère plus de deux mille habitants et où il n’y a que deux médecins. Il était impossible de songer à y soigner tous les blessés. Beaucoup de ceux-ci sont en effet dans un état si grave, que l’on doit, pour essayer de leur sauver la vie, faire appel à des chirurgiens. On s’est vite rendu compte que pour permettre à ces malheureux de subir le plus rapidement possible les opérations urgentes, il fallait les évacuer sur Paris. Et c’est ainsi que tous ceux qui furent jugés transportables furent placés, avec d’infinies précautions, dans les wagons des trains qu’on forma en gare d’Epernon aussitôt le premier moment d’affolement passé.

De notre envoyé spécial – Versailles 14 octobre

Quand M. Barthou, ministre des travaux publics, parti de Paris avec M. de Larminat par le train 85, est arrivé à Versailles, le chef de la gare lui a communiqué une dépêche annonçant que le chiffre des morts était bien de douze.
Les voyageurs le plus grièvement atteints, ceux que leur état rendait le moins transportables n’avaient pas été placés dans le train qui a amené à Paris les premiers blessés. Mais devant l’impossibilité de les soigner à Epernon, on avait profité de ce qu’un train, qui se trouvait en gare, allait partir pour Dreux, pour les évacuer sur l’hôpital de cette ville. Mais, à l’arrivée en gare, trois d’entre eux avaient succombé.
On confirme au ministre que le nombre des blessés est d’une cinquantaine et que quinze personnes sont dans un état particulièrement grave.
La circulation des trains interrompue.
La circulation directe des trains a dû cesser entre Chartres et Versailles.
A minuit 45, le premier train venant de Chartres est passé en gare de Versailles : il avait emprunté l’embranchement de Maintenon, Nogent, Dreux pour venir reprendre la ligne de Granville à Paris.

Le Petit Journal 16/10/1906 - La catastrophe d’Epernon

Comment s’est produit le tamponnement – On a ramené hier à Paris les corps de sept victimes – Sur le lieu de la collision – Funèbre bilan.

Le bilan du terrible accident de chemin de fer qui s’est produit dimanche, à Epernon, a été établi hier, à midi, par le ministère des travaux publics et la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest. Dix morts et près de cinquante blessés !
Le chiffre des voyageurs qui ont péri dans cette déplorable collision est-il définitif ? Plusieurs des blessés sont si grièvement atteints qu’on n’ose se prononcer.
A Paris, où habitaient la plupart des victimes, à Chartres, à Epernon, cette catastrophe a provoqué une vive et douloureuse émotion. On sait maintenant dans quelles circonstances exactes elle s’est produite et l’enquête établira les responsabilités. Mais quel que soit l’épilogue, les néfastes conséquences demeurent, hélas ! irrémédiables.
On lira plus loin l’effroyable récit que nous a fait parvenir, hier, notre envoyé spécial. Voici d’abord la liste officielle des victimes.

Les morts
M. Le docteur Charles Floquet, 10 rue de la Gaité, à Paris, (médecin légiste bien connu du palais de justice de Paris)
M. Devienne, avenue Victor Hugo, à Paris
M. Georges Laurent, voyageur de commerce, de Luxeuil
Mlle Jeanne Moreau, de Saint-Germain-de-la-Coudre (Orne)
Mme Henriette Deschamps, 38, rue de Paris, à Meudon.
Henri Deschamps, 15 mois, petit-fils de la précédente.
M. Alfred Brisard, au Mage (Orne) artiste peintre
M. Gaston Moussot, 30, rue de Picardie, à Paris
M. Marie Prunier, habitant à Commercy, cousin du docteur Floquet.
Une voyageuse non identifiée, venant de Connerré

Les blessés
Un certain nombre de blessés ont été ramenés à Paris dimanche soir, les uns par un train arrivé à dix heures, les autres à minuit.
Ce sont :
M. Jules Giverne, 6 rue Franquet (blessé à la tête et aux genoux, rentré à son domicile.
M. Jean Daude, soldat à la 24e section d’infirmiers (blessé aux genoux) soigné dans sa famille, 100 avenue Parmentier.
M. et Mme Vimont, et leurs trois enfants, 158, rue de Rivoli, (blessures aux jambes), ramenés à leur domicile en voiture d’ambulance.
M. Janet, député du Doubs, 87, Boulevard Saint-Michel (contusions multiples).
Mme et Mllle de la Salle, 90, boulevart Pereire (contusions), rentrées chez elles.
M. Emile HANAU, 6 rue Guy Baudouin, à Melun (blessé à la tempe, au genou et au bras), transporté à l’hôpital Necker.
Mme Venard, 12, rue Roussel (blessure à la tête)
M. Venard, cousin de la précédente, principal clerc de notaire, 8, rue Tholozé, à Paris (blessé à la tête).
M. Louis Niguet, 26, boulevard de l’Hôpital, à Paris (blessé à la tête et aux reins).
Mme Bleynie, femme de l’ingénieur en chef de la Compagnie du Midi, 12, rue Pelouze (blessée au front).
Mlle Germaine Bleynie, fille de la précédente (blessée à la tête)
Mme Madeleine Christen, 32, rue Caumartin (contusions aux jambes)
M. de Bisseuil, sous-inspecteur d’enregistrement à Chartres (les deux jambes broyées)
M. et Mme Ernest Jouan et leur fille, 5 rue de la Butte-aux-Cailles (plaies). M. Jouan a été transporté à l’hôpital Necker.
M. Largier fils, 27 rue de Choiseul (oreille coupée)
M. Tastemain, conducteur de bestiaux, à Orgeval, commune de Bretoncelles (contusions diverses)
M. Vallereau, 2 rue Guy de la Brosse
Mme Marie Vinnac, 67 rue du Sèvres.
M. Lebreton, chauffeur, 90, rue Vercingétorix (luxation de l’épaule gauche)
M. Louis Hérein, 23, rue de Châtillon, à Vanves.
La famille Brisard, composée de trois personnes, 69, avenue Saint-Germain, à Nanterre.
D’autre part, l’état de certains blessés n’avait pas permis leur transport et ils sont soignés dans la région où s’est produite la catastrophe.

M. Barthou, ministre des travaux publics, et M de Larminat, directeur de la Compagnie de l’Ouest, les ont successivement visitées au cours de la nuit dernière.
Ces blessés sont :
M. et Mme Gallon et leurs deux enfants demeurant rue de la Convention, à Paris qui sont dans leur famille, rue Malconseil à Epernon.
Mme d’Alonza et son fils aîné âgé de 28 ans, 24 rue de l’Etang, à Saint-Gratien (soignés à l’hôtel en face de la gare d’Epernon).
Mlle Charlotte Millet, demeurant au château de l’Ermitière, par le Theil (Orne)
M. Evain, au restaurant Poupin, à Epernon
M. Léon-Louis Pillard à Oisenne
M. Gorju, 47 rue Saint-Honoré, à Paris
M. Guissac, habitant 69, rue de la Gare, à Paris
MM. Antoine et André Lebret, à Rambouillet
M. Foucher, employé à la direction de la Compagnie de l’Ouest, resté à Epernon.
M. Paul Pathy, meunier, 75, route d’Orléans, au Grand Montrouge
Mme Baudou, institutrice, 61, rue du Rane Jagn à Paris

Laissons maintenant la parole à celui de nos collaborateurs qui s’est rendu sur le théâtre de la catastrophe.

L’ACCIDENT (de notre envoyé spécial)

Récit de la collision – Clameurs et râles d’agonie – L’émotion à Epernon

Epernon 15/10/1906

La Consternation règne à Epernon. De mémoire d’homme, on ne se souvient pas, dans la petite ville, d’avoir ouï parler d’une évènement aussi tragique que la catastrophe d’hier soir. Cependant, si intense qu’ait pu être l’affolement qui a suivi l’accident, il faut reconnaître que le personnel de la gare et les habitants se sont très vite ressaisis et qu’ils ont témoigné du plus grand dévouement pour porter secours aux victimes.
Je crois devoir avant tout refaire le récit circonstancié de l’accident, qu’une minutieuse enquête m’a permis de reconstituer.
Le train omnibus 510, parti de Rennes à 7 h 40 du matin, et qui, d’après l’horaire, devait quitter la gare de Chartres à 3 h 50, n’en était parti qu’à 4 h 12, c’est-à-dire avec 20 minutes de retard. Par suite de ce retard, la gare d’Epernon avait fait garer le train 510, afin de laisser le passage libre à l’express 514 qui part de Chartres à 4 h 13 et ne s’arrête qu’à Versailles. Quand cet express eut franchi la limite du premier canton de sûreté, le train 510 quitta son garage pour reprendre la voie montante sur Paris. La moitié du train 510 était déjà sur cette voie quand une locomotive dédoublée (on appelle ainsi une locomotive marchant « haut-le-pied », la machine 980), venant du Mans et conduite par le mécanicien Louvet, du dépôt de Vaugirard, assisté du chauffeur Lebreton et qui marchait à une vitesse de 80 km/h vint se jeter sur une partie du train 510.
Le choc fut formidable.

Wagons pulvérisés

Les fourgons de tête, parmi lesquels le wagon des postes, ne furent pas éprouvés et la queue du convoi fut brusquement refoulée, mais les cinq voitures du milieu, soit deux de 1ere classe, deux de 3e et une de 2e, furent pour ainsi dire pulvérisées. Sous leurs débris informes des malheureux gisaient, les corps de plusieurs, tués sur le coup, étaient affreusement broyés. D’autres qui portaient d’épouvantables blessures, râlaient. De toutes parts, des cris s’élevaient, et, des portières brusquement ouvertes des wagons que la collision avait laissés intacts, on voyait dégringoler des hommes, des femmes, des enfants qui se mettaient à courir sur la voie, sur le remblai, escaladaient les clôtures et fuyaient, éperdus, dans la campagne.
Le mécanicien n’avait aucune blessure et le chauffeur n’était que légèrement atteint au front et au bras.
La nouvelle de la catastrophe se répandit dans Epernon comme une traînée de poudre. La foule afflua bientôt à la gare et les secours s’organisèrent tant bien que mal. La compagnie des sapeurs-pompiers, sous les ordres du lieutenant Goussard, commença les travaux de déblaiement et les recherches et l’on put relativement vite dresser une première liste des victimes

Les cadavres

Neuf cadavres furent retirés des décombres et transportés dans les salles d’attente des deuxième et troisième classes. La plupart étaient dans un état épouvantable, broyés, écrasés, mis en lambeaux. On put à l’aide de papiers, de cartes, de documents recueillis dans les vêtements, établir l’identité de la plupart d’entre eux et dresser la lugubre nomenclature que vous connaissez

Les soins aux blessés et l’enquête

Après avoir reçu les soins du Docteur Desprez, d’Epernon, secondé par les docteurs Chesnel et Dudefoy de Chartres ; Billard de Maintenon, et par deux médecins de Rambouillet, les blessés dont l’était était le moins grave furent évacués sur Chartres et Rambouillet.

Le parquet de Chartres, aussitôt prévenu, s’est rendu par le premier train sur le lieu de la catastrophe, pour y faire son enquête et rechercher les responsabilités. Il était composé de MM. Lepelletier, procureur de la République ; See, juge et Henri Bonvallet, commis greffier. Les magistrats ont recueilli de nombreuses dépositions, desquelles il semblerait résulter que la faute incombe au mécanicien de la machine tamponneuse, Luc Louvet, qui n’aurait tenu aucun compte des signaux. Ce mécanicien et son chauffeur, Lebreton, étaient partis pour Paris aussitôt après la collision. On les a appelés à Epernon pour procéder à leur interrogatoire. Le mécanicien affirme, paraît-il que les signaux étaient ouverts et qu’il pensait pouvoir passer sans encombre. Louvet a été laissé en liberté provisoire.

La recherche des victimes dans la nuit

On ne peut imaginer spectacle plus terrifiant que celui auquel nous avons assisté cette nuit sur la voie.
Pendant que, de toutes parts, l’on court, affolé, à la recherche de nouvelles, les ouvriers de chemin de fer, aidés par des hommes de bonne volonté, continuent, à la lueur de braseros, à déblayer la voie, à faire un tri des épaves du train tamponné, à fouiller l’amoncellement des cloisons brisées, des banquettes éventrées, des filets déchirés et recueillent toutes sortes d’objets, chapeaux bossués, casquettes déchirées, mouchoirs trempés de sang.
Des ombres passent, se penchent, font des gestes que les flambées grandissent démesurément, et tout cela s’agite silencieusement, dans des ténèbres que troue parfois le cône éblouissant d’une lampe à projection prêtée par un imprésario qui devait donner hier soir, une représentation de cinématographe, et qui ne se doutait pas que ses appareils serviraient à éclairer une scène si tragiquement impressionnante.
Pendant que les équipes travaillent au déblaiement et démontent les lourdes voitures, disloquées comme des jouets que des enfants auraient brisés, d’autres fouilles ont lieu dans les salles d’attente et celles-là sont peut-être plus lugubres encore.
On vide des poches, on cherche si les vêtements ne portent pas de marques. On déchiffre des adresses de lettres, des cartes de visite, les dernières lignes qui permettent de mettre un nom sur des visages immobiles dont les yeux sont clos pour toujours, sur des masques de terreur et de souffrance. A coups de marteau assourdis, un ouvrier fixe des tentures, accroche des rideaux, qui vont dérober le spectacle de la mort à la curiosité de ceux qui passent.
Dans une salle, une pauvre femme, les jambes brisées, oublie sa peine et son mal et demande d’une voix tremblante où est son enfant. Hélas ! le petit dort, là dans la chambre funèbre.
La première question d’une jeune fille, dont le choc a broyé les deux chevilles, est celle-ci : « est-ce que je boiterai plus tard ? » La coquetterie est plus forte que la souffrance.
Des trains que Paris envoie sans relâche, des gens affolés descendent, qui, les yeux emplis de larmes, des sanglots plein la gorge, demandent où sont les blessés et si l’on peut en avoir la liste.
Et de tout cela se dégage une impression effroyablement triste qui tord les nerfs et donne comme une envie maladive de pleurer à ceux que l’habitude devrait avoir le plus endurcis, aux gens de police qui semblent les moins susceptibles d’attendrissement et aussi aux reporters que le devoir appelle si souvent à être les témoins impassibles des spectacles les plus douloureux.
L’enquête s’est continuée, pendant toute la journée, sur place. On ne sait encore si la catastrophe est imputable au mécanicien, ou si elle a été causée par une fausse manœuvre des signaux.
Un fonctionnaire de la Compagnie de l’Ouest que j’ai interrogé m’a déclaré que la vitesse de la machine 980 était normale. Cette vitesse pouvait atteindre jusqu ‘à 110 km/h. Or les machines haut-le-pied sont assimilées aux machines remorquant des trains, qui sont autorisées à marcher à 75 kilomètres et, sur certains points, à 80. En cas de retard, elles sont mêmes autorisées à ajouter à leur vitesse normale la moitié de cette vitesse soit, pour le cas qui nous occupe, 112 kilomètres.

Suivent des descriptions des blessés agonisants transportés à Chartres, et des informations sur les victimes décédées dans l'accident.
La liste des victimes est à prendre avec précaution, elle est sensiblement différente d'une liste publiée dans un autre journal

Le Nogentais, 17/03/1907 - La catastrophe d’Epernon

On se souvient de l’accident de chemin de fer en gare d’Epernon et qui fit 12 morts et 61 blessés.
Le mécanicien Louvet et le chauffeur Le Breton, qui montaient la machine haut-le-pied cause de la catastrophe, ont comparu mardi devant le tribunal correctionnel de Chartres.
Naturellement, leur culpabilité a été reconnue : Louvet a été condamné à un an de prison sans sursis et Le Breton à 50 fr. d’amende avec sursis.
Suivant que vous serez puissant ou misérable….

Le Nogentais, 24/11/1907 - La castastrophe d'Epernon

La neuvième chambre de la cour d'appel de Paris a rendu son arrêt dans l'affaire de la catastrophe d'Eperon.

Le tribunal de Chartres avait condamné M. Louvet, le mécanicien de la machine cause de l'accident, à un an de prison sans sursis, et M. Lebreton, chauffeur, à 50 francs d'amende avec sursis. La Compagnie de l'Ouest avait été déclarée civilement responsable.
La cour a abaissé la peine prononcée contre M. Louvet à 6 mois de prison avec sursis.
Elle a confirmé le jugement en ce qui concerne le chauffeur et la compagnie.

2012

C'est aujourd'hui une gare de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) desservie par les trains des réseaux TER Centre et TER Pays de la Loire. (Source Wikipédia).

La ligne Paris- Le Mans dessert en Eure-et-Loir les gares : d'Epernon, Saint-Piat, Maintenon, Jouy, La Villette-Saint-Prest, Chartres, Amilly-Ouerray, Saint-Aubin-Saint-Luperce, Courville, Ponrgouin, La Loupe ; puis dans l'Orne : Bretoncelles, Condé-Sur-Huisne; à nouveau en Eure-et-Loir : Nogent-le-Rotou, et à nouveau dans l'Orne : Le Theil; En Sarthe : La Ferté-Bernard, Sceaux-Bouër, Connéré-Beillé, Montfort-le-Gesnois, Saint-Mars-la-Brière, Champagné.


Saisie : Christiane BIDAULT

Dernière modification : 6 Juillet 2012