Histoire des communes

Abondant : Château de la Robertière

Lieu-dit La Pantoufle
Voir aussi :
Construction 1162
 

En construisant ce château fort auquel il avait donné son nom, Robert 1er, comte de Dreux, avait moins cherché à se créer une habitation agréable qu’à se procurer un excellent poste d’observation et de défense relativement à la Normandie, dont les souverains prenant assez souvent le territoire de Dreux pour le théâtre de leurs guerres avec le roi des français, obligeaient le comte de ce pays à surveiller leurs mouvements. Il voulait surtout se mettre en mesure d’arrêter leur marche en échelonnant des forteresses le long de ses frontières. Aussi, les solides retranchements dont il avait entouré la Robertiere en faisaient une forteresse presque imprenable. Les épaisses murailles, rapporte Donnant, étaient flanquées de tours et de bastions. Un donjon d’une élévation considérable en occupait le milieu et un chemin couvert, bouché maintenant par les deux issues, conduisait à la rivière. Nous ajouterons qu’un fossé large et profond, dont on voit encore les traces aujourd’hui, tournait autour du château dont l’entrée était probablement défendue par une herse ou un pont-levis comme dans la plupart des châteaux des onzième et douzième siècle.

Ce n’est pas que le château de la Robertière offrit aussi aux comtes de Dreux une délicieuse résidence où, dans l’été, ils pouvaient à leur gré se livrer à l’exercice de la chasse ou au délassement de la pêche car il était bâti sur la lisière de la forêt de Dreux au bord du plateau qu’elle couronne et qui, s’abaissant rapidement vers la rivière de l’Eure distante à peine d’un kilomètre, n’en est séparé que par le chemin de Montreuil à Sorel.

En 1428, après la capitulation de Dreux, le château de la Robertière soutint contre les anglais un siège à la suite duquel il fut rasé. Nous reproduisons le récit qu’en a fait Donnant, récit dont au reste nous ne garantissons pas l’exactitude ne l’ayant trouvé dans aucun de nos historiens français.

Quelques dauphinois, on appelait ainsi le partisants du Dauphin depuis Charles VIII, s’étaient renfermés dans la Robertière d’où, par de continuelles sorties, ils incommodaient cruellement, le parti anglais qui occupait le voisinage.

Suffolk, gouverneur de Dreux pour Henri V, entreprit de les débusquer du château, ne doutant point qu’en peu de jours il ne vint à bout de s’en rendre maître. Son attente fut bien trompée car il resta huit mois à se morfondre devant cette petite place sans être plus avancé que le premier jour. Furieux de se voir arrêté si longtemps par une poignée d’hommes, il imagina, dit le chroniqueur, un moyen barbare de les contraindre à capituler. Il fit donc amener les parents et les amis que les assiégés avaient dans la ville et, les plaçant devant les fortifications, il signifia aux dauphinois que s’ils ne voulaient pas voir mettre à mort ces malheureux, il fallait qu’ils se rendissent sur le champ. On ne peut dire quelle aurait été la décision des assiégés dans cette cruelle perplexité, si, pendant qu’ils délibéraient, un traître nommé Vaxon n’eut hâté, continue Donnant, la reddition du château en livrant au duc de Suffolk l’entrée de la première cour où étaient les armes et les munitions. Les assiéges furent donc obligés de se rendre. Le duc de Suffolk s’empara du château qu’il fit aussitôt raser. Il n’en reste plus que quelques pans de murs délabrés. Ces débris sont d’une construction telle qu’ils sont inattaquables à la main des hommes, si l’on en juge par les énormes quartiers de maçonnerie que les guerres et le temps ont précipités du haut des murailles sur le sol. Elles étaient bâties en cailloutage. De nombreuses et profondes caves souterraines circulaient autour du château. L’entrée, qui est parfaitement conservée, présente encore un parallélogramme de 25 à 30 mètres de longueur sur 15 de largeur. A l’extrémité, le prolongement plus étroit de cette cave qui se dirige du côté de la rivière, fait présumer que ce souterrain servait aux habitants du château à communiquer au dehors et à la rivière.

Suivant la chronique locale, les caves de la Robertière hébergeaient la bande de voleurs, commandée par ce fameux héros de Ducray Duminil Roger qui logeait dit-on à Dreux hôtel du paradis. La tradition des anciens veut que, pendant tout l’hiver, on allumât un phare ou lanterne dans le donjon de la Robertière pour communiquer avec celui de la ville de Dreux et que, de ce temps-là, fut fondé à Saint Etienne le couvre feu, que l'on sonnait encore à la fin du dix huitième siècle, depuis Paques jusqu’à la Saint Remy à 9 heures et depuis la Saint Remy jusqu’à Paques à 8 heures. Le marguiller chargé de ce soin touchait 5 livres par an.

Là s’est également transmise d’âge en âge, l’ancienne tradition du fantôme de l’homme blanc. Ce fantôme est vêtu d’une robe blanche en forme d’aube sacerdotale. Ses cheveux épars tombent sur ses épaules, son front est ombragé de feuilles, il porte à la main un long bâton ou une gaule. Cette tradition très remarquable est l’emblème exact où le portrait d’un druide, l’homme blanc dit la légende, garde un trésor magique dans les souterrains de la Robardière. Il fait ses apparitions aux plus beaux anniversaires de l’année, aux fêtes de la Vierge et surtout à celles de la conception et de la nativité. Au seul jour de Noël, pendant le chant de la généalogie qui précède la messe de minuit, les trésors sont affranchis de leurs gardiens. Le caveau de fer voit s’ouvrir ses portes formidables, chacun peut entrer et puiser à son aise mais, le chant terminé, malheur à ceux qu’un désir avide y retiendrait car aux dernières paroles de la généalogie, les caveaux se referment subitement, sans laisser passage à un gémissement, à un soupir (voir la Normandie romanesque et merveilleuse par A Bouquet).

Sources : cahier de Joseph AUGER de Marsauceux d'après les annuaires d'Eure-et-Loir

La Robertière (2011)

Perdue en forêt de Dreux, la Robertière est classée parmi les muettes, ces résidences de plaisance ou maisons de chasse où l'on conservait les mues des bêtes sauvages ainsi que les trophées. Muette parmi les muettes, la ruine sort de l'oubli et des ronces au début des années 1970, grâce au Groupe de recherches archéologiques, le Grar, dont les travaux font apparaître des fossés souvent profonds, un mur d'enceinte, trois tours carrés et une tourelle d'angle.

Jusqu'en 1975, le Grar étudie les constructions souterraines, dont une grande salle voûtée en plein cintre suivie d'un souterrain à cellules latérales. Une fouille révèle une continuité dans le sol naturel en direction des fossés à environ huit mètres sous la surface de la cour. Mais un glissement de terrain interrompt ces patientes recherches.

Les effondrements suivent. Les travaux se concentrent sur le mur d'enceinte, qui, sur son aile gauche, est dégagé sur une dizaine de mètres et sur une hauteur de trois. Deux cents mètres cubes de terre sont déplacés. Cet énorme chantier de surface pris en charge par une poignée de bénévoles relègue au second plan la configuration des souterrains devenus peu accesssibles.

Source : extraits de l'article "les galeries imaginaires de la Robertière" - L'écho Républicain 16/08/2011.


Saisie : Mireille ROUSSEAU

Dernière modification : 1 Septembre 2011